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Première automobile dans les rues de Montréal
Cette archive est une photo du Montréalais Ucal-Henri Dandurand, le premier propriétaire d’une automobile à Montréal.
On peut le voir ici qui prend la pose avec sa famille dans sa voiture « Waltham », la première voiture sans chevaux qui circule dans les rues de la ville. La photo est prise devant sa résidence « Les Quatre-Vents » à Verdun.
À l’aube du 20e siècle, la grande révolution technologique de l’époque est sans aucun doute l’automobile. Les gens sont fascinés par ces « voitures sans chevaux ».
Toutefois, plusieurs doutent que ce soit un moyen de transport qui perdurera. En effet, les routes ne sont pas conçues pour les automobiles et elles sont difficilement praticables été comme hiver. Pour de courtes distances, la marche, le cheval ou le tramway sont de mises et pour les plus longues distances, le train et le bateau sont efficaces et sécuritaires aux yeux des gens de l’époque.
Ainsi, lorsque les premiers originaux comme Dandurand se promènent en automobile, les Montréalais s’émerveillent, mais demeurent sceptiques. Cela dit, il suffira de quelques années pour que l’automobile devienne de plus en plus populaire en ville.
Les premières automobiles sont d’origine française. Initialement conçus pour les vélos, les pneumatiques seront adaptés à l’automobile.
C’est le 21 novembre 1899 que la première voiture, celle d’Ucal-Henri Dandurand, circule dans les rues de Montréal. Elle est surnommée la « voiture fantôme » parce qu’elle a deux phares à carbure. Elle avait été livrée avec un mécanicien, en chair et en os, qui a donné une formation de deux mois à son propriétaire pour qu’il apprenne à partager la route avec les chevaux.
Elle possédait aussi quatre roues, un siège pour deux personnes et six réservoirs d’eau qui lui permettaient de rouler sur une distance d’environ 150 kilomètres. La voiture avait la capacité de dépasser les 40 km/h, mais son conducteur n’a jamais conduit plus vite que 7 km/h. Il a pu s’en servir pendant trois mois avant qu’elle ne tombe en panne et que le constructeur automobile la rachète.
Lors de sa première promenade en voiture à Montréal, Dandurand impressionne beaucoup. Il invite le maire de la ville à prendre place dans l’automobile avec lui. Une foule de curieux les acclame durant leur parcours. Ils remontent la côte de la rue Windsor à grande vitesse et descendent ensuite la côte du Beaver Hall. Les journalistes rapportent avec émerveillement que le conducteur n’a même pas eu besoin d’appliquer les freins dans la descente.
L’automobile devient vite une passion pour Dandurand qui s’achète une deuxième voiture fonctionnant à l’électricité. Elle ne fait toutefois pas long feu. La troisième voiture qu’il acquiert est livrée en pièces détachées et n’ira jamais sur la route.
La suivante est une Crestmobile, achetée en 1902; malgré son démarreur automatique qui impressionne beaucoup, elle est vite remplacée l’année suivante par une De Dion-Bouton, que Dandurand achète pour 1500 $. C’est cette voiture qui est la toute première voiture immatriculée au Québec. Elle porte le numéro d’immatriculation Q-1 et est aujourd’hui exposée au Musée du Château Ramezay.
C’est un peu à Dandurand que l’on doit l’immatriculation comme on la connaît aujourd’hui. Fier propriétaire d’une machine décapotable, M. Dandurand a d’abord cherché en 1904 auprès des autorités municipales à faire reconnaître son droit de circuler. Il désirait se procurer un permis au même titre que les propriétaires de voitures tirées par un cheval. À défaut d’un règlement spécifique aux automobiles, la Ville de Montréal lui a remis alors une plaque pour vélo... laquelle lui a permis de circuler à bord de son carrosse sans chevaux. Puis, en 1906, Québec a flairé la bonne affaire et a pris la relève en lui délivrant la première « licence » pour la somme de 1 $. L’inscription Q1 peinte à l’arrière du véhicule témoigne de ce fait historique. L’immatriculation était née.
[...] Plaque qui n’en était pas réellement une, puisque c’est Dandurand lui-même qui a peint en jaune le numéro « Q1 » à l’arrière de son véhicule rouge. À cette époque, le propriétaire d’une machine devait lui-même confectionner sa plaque d’immatriculation, ce qui explique la variété des matériaux utilisés. On y retrouvait le cuir, le bois, l’acier, en plus de la peinture. Avant 1906, ce sont donc les municipalités qui délivraient les plaques d’immatriculation.
[...] L’enregistrement obligatoire des véhicules ne fit toutefois pas le bonheur de tous les propriétaires de voiture qui se sentaient parfois estampillés comme des prisonniers. Au point où certains badigeonnaient parfois leur plaque d’huile pour que la poussière de la route s’y agglutine et la rende illisible.1
Dandurand se sert de sa voiture pour exercer son métier. Il est promoteur immobilier et aime particulièrement promener ses clients dans son véhicule pour aller leur faire visiter des terrains à vendre. On peut imaginer que cela avait un fort effet sur eux.
Même si dans les premières années l’automobile ne faisait pas l’unanimité, elle s’est rapidement intégrée au mode de vie des citadins. En 1911, on ne comptait que 217 voitures à Montréal, mais en 1920 on en comptait déjà plus de 12 700 !
À l’origine, la mise en marche d’une automobile n’était pas toujours sécuritaire. Les premières voitures à vapeur pouvaient parfois ébouillanter leurs passagers ! Le problème a toutefois vite été réglé avec l’arrivée du moteur à explosion.
En 1904, la toute première course d’automobiles au Québec a lieu au parc Delorimier à Montréal, dix ans après la première course du monde. La province compte pourtant moins de 50 automobiles, mais le public est curieux et impressionné de voir ces engins battre des records de vitesse.
Plusieurs marques de voitures sont représentées dans la course : Rambler, Dion-Bouton, Stanley et Crestmobile. À partir des années 1900, les courses automobiles, telle la légendaire Coupe Gordon Bennett, gagnent en popularité à travers le monde.
Cependant, dans les rues de la ville, l’automobile inquiète. En 1906, un premier piéton est blessé mortellement par une automobile qui roulait plus vite qu’un cheval au trot. Le conducteur est accusé d’homicide et envoyé en prison.
À Montréal, c’est au mois d’août 1906 que s’est produit le premier accident mortel impliquant une « machine ». L’accident est survenu rue Sainte- Catherine, en face de la pharmacie Gauvin. Son conducteur, un dénommé Atkinson, a été arrêté par la police et accusé du meurtre d’un piéton. La « machine » avait heurté trois piétons sur le trottoir, faisant un mort et deux blessées.2
Le lendemain de l’accident, deux autres piétons sont renversés. Le gouvernement du Québec décide alors de légiférer sur la vitesse. Les automobiles ne peuvent pas rouler à plus de 6 milles à l’heure (10 km/h) en ville et 15 milles à l’heure (24 km/h) sur les grandes routes. Cela dit, les automobilistes ne sont pas tous très respectueux des nouvelles règles mises en vigueur.
Quelques mots sur Ucal-Henri Dandurand
Ucal-Henri Dandurand est né à Montréal en 1866. Issu d’une mère écossaise et d’un père francophone, il est aussi à l’aise en anglais qu’en français. En 1890, il épouse Blanche Taillefer avec qui il aura plusieurs enfants.
En plus d’être passionné d’automobiles, Dandurand est un promoteur immobilier prospère. Ses affaires lui donnent les moyens d’habiter dans les quartiers bourgeois de la ville, au Golden Square Mile, puis sur la rue Sherbrooke.
Dandurand est à l’origine d’une nouvelle technique de vente, qu’on appelle la vente à tempérament, qui permet aux acheteurs de propriétés de payer leur achat en plusieurs versements. Il est particulièrement connu pour avoir contribué à l’urbanisation du quartier Rosemont, mais il a aussi été actif à Outremont, à Lachine et à Verdun.
À Rosemont, il profite de l’installation des usines Angus qui nécessitent de créer de nouveaux logements pour les nombreux employés qui y travaillent. Dès 1899, Dandurand et son associé, Herbert Holt, s’intéressent à une terre située juste au nord des terrains qui appartiennent au Canadien Pacifique, la terre Crawford.
Ensemble, Dandurand et Holt forment la Rosemount Land Improvement Company et achètent la terre Crawford qu’ils divisent en plus de 2 000 lots à bâtir. En 1905, Dandurand baptise le nouveau village de Rosemont en l’honneur de sa mère, Rose Phillips. Il nomme aussi une rue du quartier à son nom et une autre au nom de son associé, Holt.
De plus, Dandurand est un catholique actif. Il s’investit dans le Congrès eucharistique de 1910 et devient membre de la Chambre de Commerce et du National Board of Trade. Il tente aussi sa chance en politique municipale et se présente comme candidat à la mairie en 1904, mais il n’est pas élu. Dandurand décède en 1941, à l’âge de 74 ans.
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Cet article fait partie d’une série d’histoires parues initialement dans le magazine Traces de la Société des professeurs d’histoire du Québec (SPHQ).