Au temps où les Rats dominaient sur la patinoire

Comment la plus petite ville de hockey gagna-t-elle la coupe Stanley ?

Écrit par Jim Chliboyko

Mis en ligne le 31 juillet 2020

Il n’y a pas, au tournant du XXe siècle, de NHLA, mais il y a la coupe Stanley. À cette époque, le trophée est attribué à l’occasion de défis que se lancent les équipes championnes de ligues concurrentes, comme la Manitoba and Northwestern Hockey Association et l’Eastern Canada Amateur Hockey Association, défis qui prennent habituellement la forme d’une série de matchs dont le vainqueur est désigné au total des buts marqués.

Il n’y a pas non plus de ville nommée Kenora, au tournant du XXe siècle, plutôt un poste de traite du nom de Portage du rat. Au fil du temps, le petit poste de traite grandit — sans plan précis — et dans les années 1880, le train s’y arrête enfin. Les ouvriers y sont rejoints par leurs familles et les enfants de ces familles se mettent à pratiquer des sports, toutes sortes de sports.

Un sport hivernal, encore jeune, entame sa progression vers l’ouest, le hockey. Portage du rat est sur sa route.

Les Thistles et les Silver Seven

Portant le nom d’une plante sauvage (chardon) et logée dans une ville affublée d’un nom de rongeur, l’équipe Rat Portage Thistles arrive d’une partie nouvellement colonisée, rude et peu attirante de l’Ontario.

En cette année 1905 à Ottawa, les Thistles tentent de ravir la coupe aux favoris locaux, les Silver Seven d’Ottawa. Bien qu’ils habitent la même province que les Silver Seven, les Rats sont perçus comme des rivaux d’une lointaine région.

Cette fois, l’état de la glace ne sera pas pour les Thistles un handicap comme en 1903, l’année de leur premier challenge pour la coupe Stanley contre les Silver Seven d’Ottawa (ils avaient baissé pavillon en perdant deux parties de suite sur la patinoire en piteux état de l’aréna Dey d’Ottawa).

« L’état de la glace est parfait pour la deuxième partie du défi de la coupe Stanley — vive et dure », lit-on dans le Daily Miner and News. Ce n’est pas une nouvelle banale. Les choses se présentent bien pour les Thistles qui mènent une victoire contre aucune dans la série et bénéficient du soutien d’une bonne partie des spectateurs.

Quelques joueurs se sont améliorés depuis 1903 (et ont vieilli : un seul avait plus de vingt ans alors). Le plus bel exemple en est Tommy Phillips qui se joint à la formation à son retour à Portage du rat. Il arrive de l’est où il a étudié et perfectionné son jeu. Encore adolescent, il a mis ses mains sur la coupe Stanley alors qu’il jouait avec les Winged Wheelmen de la Montreal Amateur Athletic Association.

Et comme la plupart de ses coéquipiers, Tommy Phillips est un petit gars de Portage du rat. Il prend la position d’ailier gauche et assume le rôle de capitaine de l’équipe.

Tommy, comme Frank McGee de l’équipe d’Ottawa, a été considéré un des plus grands joueurs de l’époque. Il amène avec lui Eddie Geroux, un gardien de but qui a été son coéquipier durant une courte période à Toronto. Geroux et Si Griffis sont, sur les sept joueurs des Thistles, les seuls à n’avoir pas grandi à Portage du rat.

Certains organes de presse prédisent une victoire des Thistles, puisqu’ils viennent d’écraser par la marque de 9 à 3 dans le match du 7 mars les Silver Seven affaiblis par les blessures. Le The Manitoba Free Press titre fièrement; « L’équipe de Portage du rat va gagner la coupe ». Et ce n’est que la manchette.

« Encore une fois, un cyclone soufflant de l’ouest a balayé l’est amolli et renversé tous les calculs de l’omnisciente fraternité des sports », clame le Free Press dans sa description de la première partie, comme si le club des Thistles lui appartient.

« C’était vraiment pitié de voir les vieux joueurs, Pulford et Moore, se faire mettre en boîte par les marchands de vitesse en patins de l’ouest ». C’était sans doute la toute première fois qu’une ville de l’Ontario était perçue comme « l’ouest ».

La rapidité des Thistles a toujours été un facteur déterminant de leur succès. C’était une équipe de jeunes prodiges — elle l’avait toujours été. Les joueurs exploitaient des stratégies différentes des autres équipes.

Ils transportaient la rondelle au lieu de se contenter de la lancer à l’arrière de la zone adverse.

Les défenseurs (aussi appelés, « joueurs de pointe » et « couvreurs ») se plaçaient l’un à côté de l’autre, non l’un derrière l’autre, une configuration jusqu’alors inconnue des équipes de l’est.

Avec comme pivot à l’ancienne position de maraudeur, l’imposant Si Griffis (rapide malgré un poids de trente livres supérieur à tous les autres joueurs), et avec McGimsie, Hooper et Phillips comme joueurs d’avant, pleins de détermination, les surprenants Thistles étaient depuis des années des aspirants qu’on ne prenait pas à la légère.

Deuxième match et glace trafiquée

Il y a du nouveau avant le deuxième match. Deux joueurs qui ont déjà gagné la coupe Stanley — Frank McGee, borgne et ennuyé par une fracture du poignet, et un des trois frères Gilmour du club d’Ottawa, Billy — s’ajoutent à la formation du Silver Seven.

Puis quelqu’un « se charge » de la surface glacée de la patinoire. Ce qui depuis toujours est considéré comme inséparable de la pratique du hockey en mars est maintenant l’objet de spéculations et d’hypothèses de complot.

« Ottawa a gagné en trafiquant la surface de jeu », affirme une manchette; il semble qu’on a déversé beaucoup d’eau sur la glace peu de temps avant le début de la partie, ce qui a ralenti le jeu — un coup fatal pour les Thistles qui comptaient sur leur rapidité pour surclasser l’adversaire.

La ruse, combinée à la présence du robuste McGee et aux trois buts du capitaine de l’équipe d’Ottawa, Alf Smith, procure à Ottawa une victoire à la marque de 4 à 2. La série est égale une victoire de chaque côté. La partie du samedi suivant, la troisième, s’annonce des plus excitantes.

Les journaux ne parlent pas de l’état de la glace après cette troisième partie, mais plutôt des punitions. Chaque équipe a semblé adopter la tactique de l’autre.

L’équipe d’Ottawa, reconnue pour ses coups vicelards, joue un de ses matchs les plus « propres » malgré les blessures sanguinolentes infligées à Phillips et à Tom Hooper. Ses adversaires, quant à eux, passent la majorité du temps au banc des punitions (ou « assis sur la clôture », selon l’expression courante en ce temps-là).

Une punition est même décernée à Billy McGimsie uniquement parce qu’il met trop de temps à se relever après une chute.

Un but marqué par Smith de l’équipe d’Ottawa est accepté même si un hors-jeu semble évident. Qu’à cela ne tienne, la détermination des Thistles est manifeste; Hooper réussit le troisième but de l’équipe sur une contre-attaque pendant un désavantage numérique de deux joueurs.

Les dernières minutes du match ne sont que rebondissements. Ottawa prend une avance d’un but, Phillips des Thistles égale le pointage, puis Ottawa reprend un autre but d’avance.

Le fidèle McGee marque pour Ottawa dans la dernière minute de jeu. À l’issue du match, Ottawa conserve la coupe et gagne le défi. Aucune ville du fond des bois ne prendrait la coupe en 1905, pas des mains du club d’Ottawa. On a rapporté que les joueurs du Silver Seven ont été transportés à bout de bras hors de la glace et même que des spectateurs ont escorté de bon cœur les Thistles jusqu’à la gare, car ces derniers jouaient le lendemain à Montréal une partie hors-concours contre les puissants Wanderers.

Quelques joueurs du Seven s’étaient mêlés aux gens pour saluer une dernière fois leurs étranges rivaux. On aurait pu croire que c’était la fin des Thistles ce jour-là, alors qu’en réalité ce n’était que leur début.

Il est très approprié pour les Thistles de se mesurer aux Wanderers de Montréal dans un match hors-concours après avoir perdu la coupe.

Ils n’auront pas de revanche contre leurs rivaux les Silver Seven; Montréal s’en charge en 1906 en battant de justesse Ottawa dans une rude et enlevante série de deux matchs. McGee prend sa retraite peu de temps après. Et comme le reste de la saison de 1906 est exténuante à cause du calendrier, les équipes de Portage du rat et de Montréal conviennent de remettre à la saison suivante leur rencontre.

Mais Montréal n’aura pas la chance de rejouer contre les Thistles de Portage du rat, car la petite ville frontière est renommée Kenora dans l’intervalle. Les journalistes du Daily Miner and News continuent cependant d’appeler affectueusement les gars du Thistles, les « Rats ».

Les Thistles et les Wanderers s’affrontent pour la coupe

Les Wanderers de Montréal maugréent dans leur coin, refusant de sortir du vestiaire, car les deux arbitres désignés proviennent du club détesté d’Ottawa, que les Wanderers ont battu l’année précédente mettant ainsi fin au règne de trois ans des détenteurs de la coupe.

Il est 20 h 47, ce 21 janvier 1907, lorsque l’équipe de Montréal sort enfin du vestiaire, avec en tête de file Hod Stuart, l’intimidant couvreur et ancien joueur des Thistles.

Lester Patrick des Wanderers remporte la mise en jeu initiale. « Tout à l’avantage des Wanderers » titre le journal de Kenora dans sa description minute par minute de l’action dans la première partie de la première demie.

À un moment donné, Patrick et Billy McGimsie entrent en collision, le second reste au sol quelques minutes. Patrick marque un but après dix minutes d’opiniâtre combat, ce qui curieusement semble détendre les Thistles. Dans la minute suivante, Phillips et Hooper, quelque peu désinvoltes, marquent pour les Thistles.

Puis d’autres buts s’ajoutent : Ernie Russell des Wanderers riposte à deux autres buts de Phillips puis c’est au tour de Hooper de marquer. À mi-chemin dans le match, les Thistles mènent 5 buts contre 2.

« Tous les habitants de la ville amateurs de sports se sont réunis à la patinoire Victoria pour écouter le compte rendu de première bouche du match » lit-on dans la description de l’événement qu’un étudiant du secondaire de l’époque a consignée dans son journal qui est conservé dans les archives du musée de lac des Bois.

« On a installé dans la salle de la fanfare un récepteur télégraphique et M. Joseph Johnson, un des directeurs de l’équipe, lisait le fil de presse à mesure qu’il défilait. »

Les Wanderers entament la deuxième moitié avec l’énergie du désespoir. « La ligne au complet des Wanderers fonce et vient près de marquer », écrit le Daily Miner and News. Mais au hockey, comme sur le champ de bataille, les contre-attaques succèdent aux attaques; les Thistles contre-attaquent et marquent le sixième but de Kenora, cette fois par l’entremise d’un McGimsie mal en point.

Les Wanderers ne sont toutefois pas près de lâcher prise. À preuve, la suite du récit de notre diariste anonyme « Puis le ciel nous est tombé sur la tête. Montréal compta les quatre buts suivants, 6 à 3, 6 à 4, 6 à 5 et 6 à 6, dans les deux dernières minutes de la partie.

À chaque nouveau bulletin, le visage de M. Johnson s’étirait davantage et tout semblait fini. Le télégramme suivant entra et Joe se précipita en criant et en agitant le bout de papier au-dessus de la tête. »

« La foule est en délire », racontent les télégrammes émis depuis la patinoire et retranscrits dans les journaux. « Beaudro se fait enlever la rondelle par Glass, qui la passe de l’autre côté. McGimsie prend la rondelle, fonce dans la zone et Glass rate de peu le filet. »

La suite : « Beaudro posté à l’embouchure du filet marque un but. » Puis, vient le but d’assurance : « Hooper déjoue tous les Wanderers, » rapporte le Manitoba Free Press, « et marque un but plus rapidement qu’il faut pour l’écrire, et avant que le jeu reprenne en intensité, le sifflet se fait entendre. »

Les Thistles ont réussi. La marque est de 8 à 6. Ils viennent de remporter la coupe Stanley à leur troisième tentative, et ce, en dépit de champs de mauvaise glace et de milliers de kilomètres en train. Kenora n’est qu’un poste isolé et même à cette époque ce sont les villes plus grandes et plus prospères qui se disputent la coupe — Ottawa, Montréal, Winnipeg.

« Aucune ville du Dominion ne pourrait présenter une équipe dont cinq des sept joueurs ont été élevés dans ses murs », se vante le Daily Miner and News.

« Kenora peut aussi être fière de la loyauté de ses gars. Phillips, Hooper, Griffis et les autres auraient pu maintes fois céder à la tentation de gages princiers et quitter leur ville natale », écrit un amateur de sport dans le Fort William Times-Journal.

« Ils avaient une mission à remplir et, comme les Chevaliers de la Table ronde, ils ont fait le serment de ramener la coupe à Kenora. Leur mission accomplie, il ne fait aucun doute qu’ils y resteront pour défendre le trophée. »

C’est ce qu’ils feront, du moins pour quelque temps.

Les Thistles défendent leur titre contre les Wanderers

La première chose à faire après avoir remporté un trophée est de célébrer la victoire. Ensuite, il faut le défendre. En mars 1907, à peine un mois après avoir perdu la coupe Stanley, les Wanderers se présentent à Kenora.

Ils arrivent de Winnipeg en train et comptent bien jouer un match. Mais l’organisation d’une série est en soi un combat. « Les joueurs se sont présentés, sans leur uniforme, à la patinoire et ont constaté qu’elle était envahie par des patineurs », rapporte le Free Press. «

Dès notre arrivée, je me suis rendu à la patinoire et j’ai vu des gens qui patinaient comme si c’était une soirée normale de patinage », raconte à un journaliste William Jennings, secrétaire de l’équipe. « Lorsque j’ai vu cela, j’ai amené les gars jusqu’à la patinoire, mais on leur a refusé l’entrée comme équipe de hockey. Nous avons quand même payé l’entrée et on nous laissa passer. »

L’arrivée des Wanderers engendre aussi une réaction bien loin de l’indifférence. Dès que les habitants de Kenora réalisent que les Wanderers sont en ville, ils se précipitent nombreux à la patinoire pour les voir. La vedette de l’équipe, Hod Stuart, est le centre d’attraction.

Il faut plus tard résoudre l’épineux problème de l’emploi des « ringers », ces mercenaires qui offrent leurs services pour de courtes périodes et habituellement pour un gros paquet de dollars.

L’équipe de Kenora a eu recours au procédé en engageant, en janvier, Art Ross de Brandon. Cette fois, Alf Smith, - celui qui en 1905 avait réussi le « tour du chapeau » et contribué à battre Portage du rat », et Harry Westwick d’Ottawa joueront pour Kenora.

Les Montréalais contestent vivement auprès du fiduciaire intérimaire de la coupe, William Foran, l’ajout des deux joueurs, mais ils ne sont pas eux-mêmes blancs comme neige ayant fait venir Hod Stuart de Pittsburgh.

Ils se plaignent également d’avoir à jouer Kenora, une ville moins populeuse et moins importante, appréhendant des recettes plus maigres.

Les négociations se poursuivent toutefois pendant que les journaux en rapportent les moindres détails. Il est question de match perdu par forfait, de disqualification, de perte de la coupe. Mais, en fin de compte, les deux équipes se présentent devant Foran et lui transmettent leurs conditions; Smith et Westwick pourront jouer, mais on jouera les matchs à Winnipeg.

« Foran s’oppose à l’annulation », titre en grosses lettres la manchette du Winnipeg Free Press, tout en invitant les gens à se procurer les billets au magasin United Cigar Store à l’angle des rues Portage et Main.

Les « mercenaires » n’aident pas réellement la cause des Thistles. Un vieil ennemi refait surface à l’aréna de Winnipeg : la mauvaise glace. Une période de temps doux a rendu la glace molle et suintante, comme à chaque défaite précédente des Thistles. Et la chimie de l’équipe a peut-être été modifiée par le sang nouveau, une situation plutôt ironique pour une équipe presque entièrement « fait maison ».

Les Wanderers attaquent énergiquement dès le début du match et enfilent rapidement trois rondelles derrière Eddie Geroux avant que Phillips et Alf Smith ripostent. Les Thistles abasourdis s’inclinent 2 à 7.

Lors du deuxième match, les choses se présentent mieux. La glace est dans un meilleur état et, malgré le temps froid, un plus grand nombre de gens assistent au spectacle, qui bénéficie sans doute de la rapidité de la surface de jeu.

Quoi qu’il en soit, le match est rude et rapide, et les Thistles doivent se débattre pour combler un écart de cinq buts. Ils gagnent 6 à 5 grâce au but de dernière minute du joueur remplaçant, Fred Whitcroft.

Mais comme le total des buts favorise les Wanderers, soit 12 contre 8, les Thistles cèdent la coupe qui une fois de plus retourne dans l’est. « Au revoir, petite coupe, au revoir », titre un article du Winnipeg Free Press.

Les Thistles ont été champions durant soixante-trois jours.

Après la défaite

Les choses bougent rapidement pour l’équipe après la défaite. McGimsie prend sa retraite après s’être démis l’épaule, peu de temps plus tard, durant un match hors-concours, et Phillips retourne jouer à Ottawa, un choix évident. McGimsie et Phillips sont remplacés par McGimsie et Phillips, les jeunes frères des deux vedettes.

Mais ce n’est plus comme avant. Depuis la coupe Stanley, il y a eu à Kenora plusieurs équipes nommées Thistles, dans diverses catégories — Mike Richards, l’actuel joueur des Flyers de Philadelphie, a joué au niveau Atome dans une équipe nommée les Thistles de Kenora – mais aucune n’a jamais atteint le même degré de notoriété.

Beaucoup de joueurs déménagent dans de plus grosses villes et, par la suite, jouent en qualité de professionnels avec des équipes mieux nanties. Ils trouveront ensuite du travail dans d’autres domaines.

D’autres n’en ont toutefois pas la chance. Hod Stuart des Wanderers meurt durant l’été des blessures subies à la suite d’un plongeon en eau peu profonde à Belleville en Ontario.

Le club des Wanderers cesse ses activités en 1918 après l’incendie de leur aréna. Tommy Phillips devient bûcheron sur la côte ouest puis déménage à Toronto où il succombe à une grave infection provoquée par l’extraction bâclée d’une dent. Il avait quarante ans.

Beaucoup des joueurs de la formation initiale des Thistles sont membres du Temple de la renommée. Et à l’endroit où les singuliers et puissants Thistles de Portage du rat/Kenora perfectionnaient leur art du jeu, se trouve maintenant le bureau de poste de Kenora.

Une plaque indique l’endroit où les gens se réunissaient tous ces mois de janvier passés pour écouter les reportages télégraphiés des matchs et où les Wanderers, renfrognés, ont été confrontés à une soirée de patinage libre.

À Montréal, la patinoire Victoria n’existe plus, mais la preuve de la victoire des Thistles de Kenora reste gravée sur le bord supérieur de la coupe : « Kenora Thistles, Jan 1907. » Les noms des gars qui ont réussi l’exploit pour l’ancien Portage du rat n’y sont cependant pas inscrits.

Non seulement les Thistles venaient-ils de la plus petite ville qui a été championne de la coupe Stanley le moins longtemps, mais ils ont été la dernière équipe dont les joueurs ne sont pas nommés sur le trophée. On a commencé à graver les noms des gagnants après la victoire des Wanderers contre les Thistles de Kenora à Winnipeg en 1907.

Le meilleur de l’ouest

Quelques autres équipes cendrillons canadiennes ont rapporté la coupe Stanley dans leur ville avant que la LNH devienne une ligue officielle.

Les Millionaires de Vancouver

Lorsque des gens choisissent de s’appeler « millionnaires », il y a fort à parier que ce n’en sont pas. Lorsque les frères Patrick créent la ligue de hockey de la côte du Pacifique (Pacific Coast Hockey League), les gens de chaque côté de la frontière canado-américaine ont la chance d’assister à du hockey de grande qualité, de former des équipes et d’attirer de bons joueurs dans ce coin du pays.

Tom Phillips et Si Griffis de Kenora jouent quelque temps pour Vancouver après leurs années avec l’équipe de Kenora. Dans les années qui suivent, Portland lance des défis au détenteur de la coupe et Seattle gagne la première coupe Stanley américaine.

En 1915, les Millionaires de Vancouver se battent pour la coupe à l’aréna de la rue Denman. L’équipe compte dans ses rangs la ligne formée de Fred « Cyclone » Taylor, Mickey MacKay et Frank Nighbor, ainsi que Griffis, qui se blesse avant que l’équipe d’Ottawa se présente en ville.

Les joueurs de Vancouver sont rapides, ceux d’Ottawa rudes : le résultat d’une telle confrontation est bien connu : l’équipe rapide est victorieuse, mais doit en payer le prix.

Les Vancouvérois gagnent facilement les deux premières parties, mais vers la fin du deuxième affrontement, Art Ross se met à pourchasser Cyclone Taylor, et le met hors combat alors qu’il ne reste que deux minutes à jouer.

L’équipe de Vancouver venge l’assaut en massacrant Ottawa par la marque de 12 à 3 dans le troisième match, remportant ainsi les honneurs de la série par trois matchs contre aucun. Bien que les Millionaires bataillent à trois autres reprises pour la coupe, dont une fois sous leur nouveau nom de Maroons, la coupe de 1915 demeure la seule coupe gagnée par Vancouver.

Les Cougars de Victoria

Le gérant des Cougars de Victoria, Lester Patrick, assemble pour la saison 1924–25 une bonne équipe, surtout en acquérant les services de deux gars du Icelandic de Winnipeg, nommément Frank Fredrickson et Slim Halderson, qui cinq ans plus tôt, ont gagné la médaille d’or aux Jeux olympiques avec l’équipe des Falcons.

Patrick récupère également plusieurs joueurs des Metropolitans de Seattle après le démantèlement de l’équipe la saison précédente.

Puis c’est au tour des Canadiens de Montréal d’arriver en ville pour affronter les Cougars avec dans leurs rangs le grand joueur d’avant Howie Morenz et le gardien, Georges Vézina.

Fatigués par le long voyage en train, les jeunes « Français » se heurtent à une équipe de vétérans « aguerris » qui exploite à merveille les changements rapides et oppose une défense « plus dangereuse qu’une ruelle », écrit le Free Press. Par ailleurs, le gardien des Cougars, Hap Holmes, est extraordinaire et surclasse son opposant Vézina. Les Cougars remportent la série trois matchs à un.

L’année suivante, les Cougars affrontent les Maroons de Montréal. Ils perdent et, par la suite, l’équipe est démantelée. Beaucoup de joueurs des Cougars joignent alors les rangs des Cougars de Détroit qui deviendront les Red Wings.

Il y a encore de nos jours dans la ligne junior de hockey de l’île de Vancouver une équipe qui se nomme les Cougars de Victoria. Elle est la propriété d’une société sans but lucratif et administrée par celle-ci.

C’est cette équipe qui accueillera le tournoi de la coupe Cyclone Taylor au printemps de 2007. Les anciens Cougars de Victoria ont été la dernière équipe à gagner la coupe Stanley sans faire partie de la LNH.

Jim Chliboyko est un écrivain de Winnipeg. Il réussit maintenant à franchir trois kilomètres après avoir fait le pari de courir de nouveau un jour.

Cet article est paru dans le numéro avril-mai 2007 du magazine The Beaver.


Et cætera

Regard sur le hockey Site de Bibliothèque et Archives Canada qui retrace l’histoire du hockey au Canada. Le site offre la version numérisée de l’ouvrage écrit par Arthur Farrell, joueur de hockey : Hockey : Canada’s Royal Winter Game. Probablement le premier ouvrage qui traite de ce sport.

Lords of the Rink: The Emergence of the National Hockey League, 1975–1936, John Wong. University of Toronto Press, Toronto, 2005.

Hockey: A People’s History, Michael McKinley. McClelland & Stewart, Toronto, 2006.

Articles parus dans le Beaver : “Kings of the Ice: Hockey’s First Golden Age,” James M. Whalen. Février-mars 1994. “Soul on Ice: A Century of Canadian Hockey,” Ken Dryden. Décembre 2000-janvier 2001.

Relié à Arts, Culture et Société