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La renaissance du quartier Griffintown de Montréal
Situé à environ un kilomètre au sud-est des gratte-ciel du centre-ville de Montréal, le quartier de 67 hectares appelé Griffintown a déjà été le creuset de la révolution industrielle au Canada. Il y a plus de cent ans, des usines sont apparues le long du canal Lachine, dont les redoutables rapides avaient freiné l’explorateur français Jacques Cartier dans sa recherche du passage du nord-ouest vers la Chine.
À la belle époque, au 19e siècle et au début du 20e siècle, le Griff, comme l’appelaient les résidents, accueillait une population bigarrée, généralement composée d’ouvriers pauvres. Des décennies plus tard, épuisé par les transformations sociales et économiques, le quartier est presque devenu une ville fantôme. Mais à l’orée du 21e siècle, Griffintown renaîtra de ses cendres et deviendra un quartier huppé. On y trouve aujourd’hui de nombreuses tours à condo qui jouxtent des bars, restaurants et cafés à la mode.
Lorsque les fortifications enclavant le Vieux-Montréal sont finalement démolies, au début des années 1800, la zone située au sud-ouest, qui était auparavant une seigneurie, est destinée à devenir la première banlieue de la ville. Le marchand irlandais, Thomas McCord, avait déjà obtenu un bail de 90 ans sur ce territoire. Mais McCord doit retourner en Irlande pour régler quelques affaires et un partenaire peu scrupuleux profite de son absence pour vendre la terre illégalement à Mary Griffin. Elle subdivise le territoire, y fait construire les premières routes et des habitations à loyer modique.
McCord sera finalement compensé, après une acrimonieuse lutte juridique, mais le quartier conservera le nom de Griffintown.
Bon nombre de ses premiers résidents participèrent à la construction du canal Lachine. Lancé en 1825, ce projet pharaonique garantissait du travail à un afflux constant d’immigrants, pour la plupart Irlandais. Cet afflux se transforma en marée après la famine qui sévit en Irlande en 1840, forçant des millions d’Irlandais à chercher une vie meilleure en Amérique du Nord. Les nouveaux habitants de Griffintown contribuèrent à creuser et à élargir le canal Lachine, afin qu’il puisse accueillir de plus gros navires pouvant transporter les produits des minoteries, des fonderies, des brasseries, des moulins à scie et des usines de textile, regroupées le long des berges du canal.
Le quartier reste principalement irlandais pendant une partie du 20e siècle, mais la Grande dépression éprouve les familles et, plus tard, l’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent en 1959, annonce la fin du trafic commercial sur le canal Lachine.
L’administration du maire de l’époque, Jean Drapeau, déclare la zone strictement industrielle en 1963, signifiant du coup qu’aucune propriété résidentielle ne pouvait être reconstruite si elle était détruite. La construction de l’autoroute Bonaventure pour l’Expo 67 fendit littéralement le quartier, accélérant la fermeture des usines et le départ des quelques familles restantes de Griffintown. La population chuta à moins de 600 personnes.
Heureusement pour les visiteurs d’aujourd’hui, il reste une rangée des maisons de briques du 19e siècle qui ont abrité une partie de la population du quartier. Sur le côté nord de la rue de la Montagne, on peut apercevoir une série de maisons de ville en briques rouges construites au début des années 1880. Elles sont caractérisées par des toits à mansarde, des lucarnes et une porte cochère : une ouverture pratiquée pour que les chevaux tirant des charrettes puissent pénétrer dans les cours arrière. Ces demeures étaient cependant des taudis – surpeuplées et mal chauffées, elles favorisaient la prolifération des bactéries. En 1846-1847, six mille habitants de Griffintown et de la zone juste au sud du canal Lachine succombèrent au typhus et furent enterrés dans une fosse commune marquée par une pierre gravée haute de trois mètres, près du pont Victoria.
En 1852, un incendie détruisit la moitié de la ville. Les crues du fleuve Saint-Laurent causaient régulièrement des inondations, noyant les rues sous plusieurs mètres d’eau.
De l’autre côté de ces maisons de ville se trouve un parc de forme triangulaire, qui était autrefois le cœur social et spirituel de la communauté. Il s’agit du site de l’église Sainte-Anne, qui a ouvert ses portes en 1854, la deuxième église catholique de la ville (la construction de la basilique Saint-Patrick, qui accueillait les familles irlandaises plus aisées, fut terminée en 1847). La fermeture de l’église Sainte-Anne et sa démolition en 1970 sont considérées par plusieurs comme le coup de grâce de cette communauté. Seuls quelques vestiges des murs de l’église subsistent. Les bancs du parc sont disposés de façon à faire face à ce qui serait aujourd’hui l’une des plus anciennes églises de la ville.
Très peu d’usines du quartier survécurent. La plus ancienne est la New City Gas Company, au coin de Dalhousie et Ottawa. Elle fut construite en 1859, en brique et en pierre calcaire, afin de brûler le coke qui servait à produire le gaz éclairant les rues de Montréal. Le bâtiment possède un toit très caractéristique et des murs ponctués de contreforts simples et élégants. John Ostell, un des architectes qui a travaillé à la structure originale, a également conçu le Arts Building de l’Université McGill en 1837, un des attraits les plus reconnaissables de Montréal.
À deux pâtés de maisons au sud-ouest, un bombardier Liberator de la RAF s’écrase lors d’un vol vers l’Angleterre, tuant quinze personnes. On trouve également, à proximité, le Horse Palace de Griffintown, des écuries construites en 1860. Encore aujourd’hui, on y accueille les chevaux qui tirent les calèches du Vieux-Montréal.
Aucun voyage à Griffintown ne serait complet sans une visite du canal Lachine, dont le développement est aujourd’hui axé sur les loisirs, et non sur le commerce. Un sentier pavé de 12 kilomètres suivant le canal, partant du Vieux-Montréal et traversant Griffintown, pour atteindre Lachine, dans l’ouest, est un endroit de choix pour les visiteurs. Les écluses, restaurées en 1990, sont ouvertes aux plaisanciers depuis 2002. Le long des rives du canal, on peut encore apercevoir des bollards, des bornes d’amarrage en forme de champignon qui servaient à immobiliser les bateaux.
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