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Série : La conservation du patrimoine religieux
Le 16 septembre 2017, le Centre Hospitalier Universitaire de Montréal (CHUM) détruisait un mur d’enceinte âgé de plus de 150 ans, violant ainsi l’article 141 de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec. Si la direction de l’hôpital affirme que ce mur a été démoli « pour une question de sécurité » liée à sa décrépitude, il faisait pourtant partie d’un bâtiment historique, qui doit être maintenu en état par ses propriétaires.
Au Québec seulement, plus de 500 bâtiments liés au patrimoine religieux ont changé de vocation depuis 2003. Depuis 2009-2010, toujours au Québec, le gouvernement a investi de moins en moins d’argent pour la sauvegarde du patrimoine religieux. Et ce constat ne peut être très différent pour les autres provinces canadiennes.
Sachant que tous les bâtiments historiques nécessitent tôt ou tard des réparations ou des restaurations, cet évènement est-il un symptôme de la situation alarmante dans laquelle se trouve l’ensemble du patrimoine religieux canadien?
Le patrimoine religieux, c’est quoi ?
Le patrimoine religieux représente l’ensemble des bâtiments, objets et savoirs qui sont le fruit du travail des différentes congrégations religieuses et du clergé de toutes les religions. Il revêt trois formes : immobilier (lieux de culte, monastères, presbytères, etc.), mobilier (vêtements liturgiques, meubles, archives, etc.) et immatériel (savoirs, savoir-faire, tradition orale, etc.). Toutes sont en danger.
Le patrimoine religieux immobilier : une importance capitale dans l’histoire canadienne
Du point de vue de l’historien, la question de l’importance des églises, des couvents, des monastères et des autres bâtiments religieux ne se pose même pas. Le patrimoine religieux immobilier est l’une des facettes les plus importantes du patrimoine canadien, de la Nouvelle-France à aujourd’hui.
D’une part, le patrimoine religieux témoigne des styles architecturaux qui ont marqué l’histoire canadienne. Lorsqu’une paroisse construisait une église, ou qu’une communauté religieuse bâtissait un couvent, deux forces entraient en jeu : l’appel des origines et les forces en présence.
Presque invariablement, une nouvelle construction s’inspirait d’une autre, familière. Puis, par une volonté de se différencier, et selon les contraintes du lieu, des moyens ou de la main-d’œuvre, les bâtiments recevaient une touche de nouveauté .
Par exemple, le monastère des Ursulines de Québec a été érigé en respectant le plan usuel des monastères européens : en carré, avec une cour intérieure appelée « cloître ». Le plan européen prévoyait une galerie ceinturant le cloître afin que les moines ou moniales puissent prier en marchant autour de la cour. Or, l’hiver rigoureux québécois l’aurait rempli de neige! Les Ursulines ont donc innové en intégrant cette galerie à l’intérieur du bâtiment : un couloir borde le cloître des quatre côtés.
Ne pas faire d’efforts de conservation reviendrait à résumer notre histoire à quelques exemples — phares d’architecture qui ne sont pas représentatifs de la complexité canadienne.
D’autre part, les lieux de culte représentaient — et représentent toujours à bien des égards — un lieu de vie capital pour les habitants d’une communauté. Sièges naturels de la vie spirituelle, ces bâtiments étaient également le tiers-lieu, selon une idée développée par Ray Oldenburg, c’est-à-dire un espace de socialisation et de culture parallèle à la maisonnée et au lieu de travail.
Combien de rencontres ont eu lieu sur les perrons d’église? Combien de soirées sociales se sont tenues dans leurs sous-sols? Même les monastères, lieux en apparence fermés à l’extérieur, ont été et sont toujours source de culture et d’innovations sociales.
Pensons aux moines d’Oka, producteurs d’un emblématique fromage canadien, ou aux Ursulines de Québec, qui ont réformé l’éducation des femmes en intégrant bilinguisme, science et tolérance religieuse dans leur curriculum. En ce sens, les bâtiments religieux sont des éléments incontournables de l’histoire canadienne.
La bonne transformation du patrimoine religieux immobilier : les critères
Lorsqu’un bâtiment religieux ne peut conserver sa vocation originale, une transformation s’impose. Existent alors une multitude d’avenues : certaines souhaitables, d’autres inacceptables. Afin de départager une transformation exemplaire d’un acte de destruction du patrimoine, trois critères nous semblent les meilleurs : l’utilisation future, la pérennisation du bâtiment et la commémoration de l’ancien usage.
1. L’utilisation
Naturellement, tous les bâtiments religieux mériteraient d’être utilisés selon leur mission première comme ils l’étaient destinés : une église reste une église, un couvent reste un couvent. Cependant, lorsque l’on songe à la transformation, cette possibilité a le plus souvent dû être écartée. Vient alors le temps de déterminer l’utilisation future du bâtiment. Du point de vue de l’historien, un nouvel usage qui conserve la fonction de tiers-lieu est idéal — comme une église transformée en bibliothèque ou en musée d’histoire régionale, ou un petit couvent aménagé en résidence d’artistes ou en maison des jeunes.
De même, une transformation qui pérennise la mission de ces anciens habitants est exemplaire — pensons à un hôpital tenu par une communauté religieuse changé en centre médical de proximité. Bref, une nouvelle utilisation qui rend service à la communauté est souhaitable. À l’opposé se trouve, par exemple, la transformation d’une église en condominiums de luxe.
2. La pérennisation
Dans un monde idéal, tous les bâtiments religieux pourraient être conservés en préservant les éléments originaux à l’intérieur comme à l’extérieur. Cependant, lorsque des éléments sont trop endommagés, ou lorsque l’utilisation future ne permet pas une préservation totale (spécialement de l’intérieur), il faut faire au mieux : préserver ce qui ne compromet pas le reste du bâtiment, ou ce qui ne met pas en péril l’utilisation future.
Par exemple, une toiture dangereusement près de l’effondrement doit être remplacée afin de protéger le reste de la structure. Lorsqu’un bâtiment est endommagé au-delà de toute possibilité de réparation, l’on devrait reconstruire en s’inspirant de l’original, ou en gardant un élément distinctif permettant de deviner l’ancienne utilisation — comme un clocher.
3. La commémoration
Lors de toute transformation, il est impératif d’intégrer un lieu de commémoration rendant hommage aux anciens habitants. Plus le lieu de commémoration est important, meilleur sera le projet.
Au Québec existe la Politique d’intégration des arts à l’architecture, qui prévoit qu’environ 1% du budget de construction d’un bâtiment public soit consacré à l’intégration d’une œuvre d’art. Une politique similaire qui obligerait les transformateurs de patrimoine religieux immobilier à investir 1% de leur budget dans la commémoration des anciens usages viendrait leur garantir une place dans la mémoire collective.
Au début de la nouvelle année, quatre article mettront en lumière des succès et des échecs dans la transformation du patrimoine religieux à Québec, Montréal, ailleurs dans la province de Québec et ailleurs au Canada. Restez à l'affût!
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