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Les dix principales objections à la Confédération en 1865
Lorsque nos premiers ministres annoncent une nouvelle tentative d’entente constitutionnelle, au lac Meech, à Charlottetown ou sur le lieu de leur prochaine rencontre éventuelle, ils se présentent invariablement comme les « nouveaux Pères de la Confédération ». D’une même voix, ils se disent prêts à bâtir une nouvelle nation ensemble, si les Canadiens leur emboîtent le pas. Mais les Canadiens n’ont pas toujours partagé l’enthousiasme de leurs chefs.
Nous avons tendance à croire que la Confédération dans sa forme originale s’est faite de façon naturelle et presque inévitable, à l’unanimité de tous ses « pères » visionnaires. Dans les années 1990, nous nous plaisions à croire que l’élite politique des années 1860, imperméable au doute, à la division et aux principes de la démocratie, nous a transmis toute sa sagesse par le truchement de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Comme ce devait être facile pour ces hommes d’État d’instaurer cette constitution. En effet, ne refusaient-ils pas systématiquement de consulter les électeurs et ne faisaient-ils pas la sourde oreille à tous ceux qui osaient critiquer leur projet, ou même la destinée de notre nation?
Mais dans les faits, la Confédération ne s’est pas matérialisée dans le calme et la sérénité que l’on imagine. Elle a fait l’objet de débats aussi passionnés dans les années 1860 que dans les années 1990. Les politiciens de cette époque étaient fortement divisés sur le plan idéologique, les antagonismes régionaux étaient plus profonds et les guerres intestines plus virulentes. Plusieurs des Pères de la Confédération que nous honorons aujourd’hui y étaient à l’époque farouchement opposés. Dans deux des six provinces d’origine, ils réussirent à empêcher sa ratification et parvinrent presque à leurs fins dans la plupart des quatre autres provinces. L’opposition à l’entente conclue à Québec en octobre 1864 et confirmée à Westminster en 1867 était profonde et étendue. Cependant, il importe de se pencher sur les motifs de cette opposition à la Confédération qui envenima les débats des années 1860, ne serait-ce que pour nous rassurer sur les divisions et impasses constitutionnelles récentes : voici donc les dix principales objections à la Confédération de 1865.
1. TROP CENTRALISÉ
Dans les années 1860, raconte l’historien Peter Waite, même le mot « confédération » traduisait la rivalité éternelle entre le pouvoir central et l’autonomie locale. Pour les politiciens de langue anglaise, le « con » de « confédération » renforçait l’union des parties. Mais en français, la confédération laissait entendre un lien plus souple que celui de la « fédération ». « La Confédération que j’ai défendue, explique Antoine-Aimé Dorion de Québec, était une vraie confédération, accordant la majeure partie des pouvoirs aux gouvernements locaux et un pouvoir délégué au gouvernement central — une vision d’ailleurs fort différente de celle qui est proposée. » Dorion avait prédit que les pouvoirs promis aux provinces en 1864 leur seraient rapidement retirés. « La confédération vise à former une union législative de toutes les provinces, avait-il avancé, une union où la voix des francophones serait noyée et les intérêts du Québec, bafoués. »
Et Dorion n’était pas le seul à craindre la puissance d’un gouvernement central. « Ce que souhaitaient la plupart des résidents des Maritimes, explique l’historien Phillip Buckner, était de protéger l’identité de leurs assemblées locales établies de longue date ». Mais les défenseurs de la Confédération proposée à la Conférence de Québec étaient peu empressés de rassurer les autonomistes locaux. John A. Macdonald croyait que les gouvernements provinciaux seraient abolis au cours de son règne. George Brown, de l’Ontario, et Charles Tupper, de la Nouvelle-Écosse, affirmaient pour leur part que les provinces ne seraient plus que des « institutions municipales ».
« Vous ne ferez pas un maire de moi! » s’écria le gouverneur de la Nouvelle-Écosse, Richard MacDonnell, suivi par de nombreux résidents des Maritimes. En l’absence de provinces fortes, la supériorité numérique des « Canadiens » au parlement national réduirait à néant l’expression des besoins ou des intérêts des autres régions. Des critiques provenant des provinces atlantiques dénonçaient ce plan visant essentiellement à résoudre les problèmes de l’Ontario et du Québec (qui jusqu’en 1867 étaient unies dans la colonie que l’on appelait « Canada »). « Les provinces maritimes seront forcément amoindries par leurs liens avec une colonie qui exercera une influence prépondérante sur toutes les autres », mentionnait William Annand de Halifax, au sujet de l’opposition des Maritimes. Dans cette région du pays, on jugeait que l’impérialisme canadien était à la base de cette confédération proposée.
Cette opposition au pouvoir central persista au-delà de 1867 et se répandit d’un océan à l’autre.
« Nous sommes un pays conquis dont les Canadiens prendront possession demain », se plaignait amèrement un Britanno-Colombien lorsque sa province se joignit au Canada en 1871.
2. TROP DÉCENTRALISÉ
Les plaintes concernant un pouvoir central excessif se faisaient entendre partout dans les années 1860, mais on craignait également l’inverse, soit un affaiblissement du centre. De nombreux Nord-Américains loyaux à la couronne britannique jugeaient le fédéralisme incompatible avec le modèle parlementaire de la Grande-Bretagne. Seule une « union législative », c’est-à-dire un seul parlement national, sans assemblées provinciales pour lui livrer concurrence, semblait une option cohérente avec le modèle britannique.
Avec la guerre civile américaine qui faisait rage de l’autre côté de la frontière, l’argument selon lequel un système de gouvernement fédéral mènerait à un effondrement inévitable avait ses adeptes. Même ceux qui craignaient le pouvoir d’une assemblée législative unique dominée par la plus grande province pouvaient attaquer le fédéralisme comme une option à la fois coûteuse, antibritannique et impossible à mettre en œuvre. Ils affirmaient que la proposition de 1864 établissait une union trop souple, difficile à faire fonctionner, tout en insistant pour dire qu’ils refuseraient tout resserrement de cette union. Ainsi, The Halifax Citizen, ennemi de la Confédération, dénonçait « cette coûteuse machine gouvernementale dédoublée, visant à neutraliser les sentiments et intérêts des régions par l’établissement d’un gouvernement général, tout en perpétuant ces sentiments au moyen des assemblées locales. »
Autant les « localistes » craignaient un gouvernement centralisé, autant les minorités locales craignaient l’oppression des gouvernements locaux. Les protestants du Québec se méfiaient du pouvoir catholique de la nouvelle Assemblée législative du Québec, alors que les catholiques de l’Ontario se méfiaient du pouvoir protestant en Ontario. Les deux groupes soutenaient que la Confédération accordait trop peu de pouvoirs au gouvernement central, pouvoirs qui, selon eux, étaient nécessaires pour protéger les droits des minorités.
3. TROP TÔT
Timothy Anglin, le plus ardent pourfendeur de la Confédération au Nouveau-Brunswick, a admis que les « circonstances pourraient bien imposer cette union » — éventuellement. « Mais pourquoi maintenant, se demandait-il, et pourquoi tant de hâte? Les délégués n’ont passé que 17 jours à Québec, soulignait-il, et pourtant, ils refusent d’envisager toute proposition visant à modifier le traité qu’ils ont conclu. Si l’idée est si bonne, pourquoi ne pas prendre le temps d’étudier toutes ses répercussions et d’aplanir toutes les difficultés? »
Certains historiens croient qu’Anglin avait raison. Phillip Buckner avance qu’une fédération instaurée dans les années 1870 aurait été moins centralisée et mieux acceptée. Dans Northern Enterprise, une histoire des entreprises canadiennes, Michael Bliss rapporte que la plupart des grands projets d’expansion associés à la Confédération sont arrivés trop tôt, compte tenu de la taille réduite et des faibles moyens de l’économie de la nation dans les années 1860.
Le politicien ontarien, Walter Shanly, qui appuyait la Confédération dans ses grandes lignes, exprimait ce point de vue en 1865 : « Nous aurions dû cultiver nos relations sociales et commerciales avec nos partenaires avant d’unir le pays, pour le meilleur et pour le pire, dans cette entente politique ». Antoine-Aimé Dorion abondait dans le même sens : « Il n’y a pas de presse à l’égard de cette union. Nous devrions y réfléchir pendant encore une autre année. »
4. TROP TARD
D’un autre côté, la fédération était peut-être une idée qui avait fait son temps. Pour chaque D’Arcy McGee, pour qui la Confédération donnerait naissance à une « nouvelle nationalité », il y avait un patriote local qui refusait d’abandonner son identité. Le premier ministre de l’Île du Prince-Édouard affirmait qu’il était prêt à annexer la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick à son île, mais refusait qu’elle soit annexée aux autres. Cette fierté et ce patriotisme local étaient bien ancrés dans toutes les colonies. Aucune n’était prête à renoncer à son indépendance. En 1860, chaque province était déjà autosuffisante et rechignait à sacrifier son identité à la faveur d’une nouvelle nationalité.
Personne ne réussit à mieux exprimer ce sentiment que Joseph Howe, qui en appelait de la fierté de la Nouvelle-Écosse et de sa longue tradition à titre de principal poste avancé de l’Empire britannique. « Pourquoi chercher une autre capitale dans les forêts perdues du Canada, se moquait-il, et pardonnez-nous si nous préférons Londres sous le dominion de John Bull à Ottawa, sous le dominion de Jack Frost ». Terre-Neuve, pour sa part, jugeait que son histoire très particulière ne permettait aucune comparaison avec les autres colonies. Elle refusa d’être assimilée à un tel projet.
5. TROP EXIGEANTE POUR LE CANADA CENTRAL
« En fait, monsieur, ce que cela signifie, c’est que certaines provinces de moindre importance nous ont concocté une constitution et nous forcent à l’adopter », martelait Antoine-Aimé Dorion à l’Assemblée législative canadienne en 1865. Il exhortait les provinces canadiennes déjà unies à résoudre leurs différends sans se mettre à genoux devant la petite Île-du-Prince-Édouard et sans la prier de se joindre à cette union. Les Ontariens commencèrent également à dénoncer les exigences financières du Canada Atlantique. « Le pays sera grevé d’impôts et plongé dans les dettes pour soutenir les colonies les plus pauvres », se plaignait un journaliste d’Ottawa. En 1868, des supporteurs ontariens de la Confédération furent horrifiés par les promesses financières faites par John A. Macdonald à la Nouvelle-Écosse pour la convaincre de rester au sein du Canada. « La province peut bien lancer son argent à tout vent si elle le souhaite, affirmaient-ils, mais elle ne peut pas extorquer des fonds d’Ottawa prélevés auprès de la riche Ontario ».
6. TROP GÉNÉREUSE ENVERS LE CANADA CENTRAL
« Voulez-vous que tous les revenus de ce pays soient versés aux malhonnêtes hommes d’État du Canada? » Cette question était imprimée sur une affiche électorale du Nouveau-Brunswick en 1865. Les résidents de l’Île-du-Prince-Édouard étaient convaincus que la Confédération n’entraînerait que l’imposition d’impôts et de droits ruineux afin de payer pour un chemin de fer dont ils ne profiteraient même pas. Pour bon nombre des habitants des Maritimes, la Confédération était une réponse à un problème du Canada central, dont tous les avantages reviendraient à l’Ontario et au Québec.
Parfois, les accusations étaient plus précises, visant certains intérêts commerciaux, notamment « les chemins de fer ». Antoine-Aimé Dorion a même laissé entendre que le motif véritable de la Confédération était de prélever des fonds publics au profit de la bourse du Grand Trunk, un sentiment d’ailleurs renforcé par le président de la compagnie de chemin de fer, Sir Edward Watkin, qui a plus tard affirmé qu’il avait lui-même inventé le concept de la Confédération.
La peur du Canada central en général était exacerbée par la peur des visées du Canada français à l’égard de la Confédération. « Doit-on tout concéder au régionalisme du Bas-Canada? » s’exclamait un journaliste de Halifax. Joseph Howe déclarait qu’en faisant front commun, la minorité canadienne-française dominait depuis longtemps les Canadas unis. « Ils feront la même chose au sein d’une union plus étendue et resteront, neuf fois sur dix, les maîtres de la situation », avançait-il tristement.
L’hostilité à l’égard du pouvoir que les francophones pourraient tirer de la Confédération était encore plus forte au Québec, parmi les Québécois anglophones. « Les anglophones du Bas-Canada sont en général assez passifs face à la situation, se sentant eux-mêmes impuissants », écrit le directeur de l’Université McGill en 1866, qui prévoyait à l’époque la « destruction de l’ancien dominion » une fois que le Québec aurait formé une assemblée provinciale où les anglophones seraient minoritaires. Et pourtant, les Anglo-Québécois n’avaient pas besoin d’être antifrancophones pour craindre les répercussions de la Confédération sur les relations entre les deux peuples. Dans un discours passionné, Christopher Dunkin des Cantons de l’Est, qui défendait l’amitié entre les Canadiens anglais et français, a décrit en détail les nombreuses façons dont la Constitution, avec sa répartition complexe de pouvoirs et de droits concurrents, contribuerait dans les faits à éloigner les deux peuples. « Si cette Constitution se concrétise, cela ne pourra que séparer nos deux peuples et peut-être même mener à une guerre ouverte. »
7. PAS ASSEZ GÉNÉREUSE POUR LE CANADA FRANÇAIS
Les opposants anglophones craignaient peut-être le pouvoir francophone, mais la Constitution était-elle réellement bonne pour le Québec? C’était la principale question que l’on se posait à l’époque dans le Québec francophone. George-Étienne Cartier et ses alliés (au Québec, à tout le moins) prétendaient que la Confédération était une forme de souveraineté-association qui accordait au Québec sa propre assemblée législative pouvant exercer un contrôle, en règle générale, (selon l’article 92) « sur toutes les questions de nature locale ou privée dans la province ». Cependant, ils avaient un énorme travail de persuasion à faire, tout en s’efforçant de conserver l’appui de la majorité. Leurs opposants évoquèrent la peur ancrée de l’assimilation, puisque la Constitution plaçait le Canada français sous la gouverne d’un parlement dominé par des anglophones et des protestants.
Les Québécois francophones sont « humiliés », « insultés » et « traités comme peuple inférieur » titraient les journaux français. « Ce n’est que par une résistance héroïque » que le Canada français a préservé ses droits face à « l’agression et aux visées sectaires de l’élément anglais », a déclaré Joseph-Xavier Perrault à l’Assemblée législative.
« Le but de la Confédération est de nous priver de nos droits les plus précieux ». L’insécurité perpétuelle de la minorité linguistique à l’égard de toute alliance avec la majorité était très marquée dans les années 1860 : les opposants francophones à la Confédération n’hésitèrent pas à traiter les supporteurs francophones de traîtres.
8. L’IDÉE EST BONNE – MAIS PAS CETTE ENTENTE EN PARTICULIER
« L’union est une chose, et l’entente avec le Québec en est une autre », affirme un journaliste du Woodstock Times du Nouveau-Brunswick, exprimant ainsi l’objection la plus répandue au sujet de la Confédération. Quelques critiques de la Confédération souhaitaient que les choses restent telles quelles, mais presque tous trouvaient des failles dans les 72 résolutions adoptées lors de la Conférence de Québec en octobre 1864. Comment la Confédération pouvait-elle protéger le Canada contre les États-Unis alors qu’elle ne faisait que prolonger la frontière à défendre? Pourquoi promouvoir une union entre des colonies qui ne partagent pas de liens commerciaux? Quels sont les réels avantages du chemin de fer intercolonial promis si ce chemin de fer ne fait qu’entraîner la faillite de toutes les colonies? Quelle idée folle de laisser le gouvernement nommer des membres d’une chambre haute non élue, une idée qualifiée par Christopher Dunkin de tout simplement
« ridicule » ! Selon lui, cette assemblée présentait comme seul avantage d’être composée d’hommes âgés, dont la mort serait chaque fois une « occasion » de revoir l’entente constitutionnelle.
Les critiques de la Confédération, en s’attaquant aux détails du plan présenté dans les années 1860, n’arrivaient pas à s’entendre sur des options de rechange, mais n’étaient jamais à court de munitions pour tirer sur l’entente proposée. Les défendeurs de la Confédération, pour leur part, manquaient de ferveur et ne parvenaient qu’à dire que l’entente était la meilleure option possible, dans les circonstances.
9. TROP CHER
Un journal de Halifax dénonçait les politiciens en faveur de la Constitution, les accusant d’être
« impatients de se pavaner en habits de cour et vêtements luxueux, arborant bas de soie et perruques devant un vice-roi à Ottawa, et de bénéficier de généreux salaires, tout en restant à l’écart des provinces. » À Goderich, en Ontario, le journal local prédit que cette entente entraînerait une nouvelle vague de népotisme et « un véritable déferlement de nouveaux titulaires de charge publique dans le Haut-Canada ». Matthew Crooks Cameron de l’Ontario qualifie la Confédération de « dépense extravagante ». Cameron, d’allégeance conservatrice, représente une minorité dans une province dominée par les réformateurs de George Brown. Mais ces mêmes réformateurs sont de bons libéraux du 19e siècle, adeptes d’un gouvernement de taille réduite et de faible envergure, d’impôts peu élevés et d’une liberté personnelle maximale. Le coût de la Confédération, avec ses engagements à l’égard des deux paliers de gouvernement, ses subventions aux provinces, la construction ruineuse des chemins de fer et, possiblement, la création d’une armée, constituait leur talon d’Achille, que les pourfendeurs de la Confédération, tels que Cameron, n’hésitaient pas à attaquer sans relâche.
10. CE DEVRAIT ÊTRE L’AFFAIRE DU PEUPLE
Aujourd’hui, les Pères de la Confédération sont généralement dénoncés pour leur approche non démocratique, notamment pour avoir imposé la Confédération sans consulter le peuple (c’est-à-dire essentiellement des hommes et quelques rares femmes). Bien sûr, l’entente du lac Meech non plus n’a pas été soumise aux électeurs, et bien avant qu’une proposition précise soit déposée en 1864, Charles Tupper, de la Nouvelle-Écosse, défendait avec vigueur le principe selon lequel les décisions définitives doivent être prises par les représentants élus du peuple, élément fondateur de la démocratie parlementaire, et non par le peuple lui-même. Néanmoins, l’idée d’offrir aux électeurs la possibilité de ratifier ou de rejeter eux-mêmes la Confédération a souvent été soulevée dans les années 1860, même si ceux qui s’opposaient à l’entente pour d’autres motifs soutenaient le principe avec plus de vigueur que ceux qui l’appuyaient.
« Si une décision directe du peuple à l’égard de la Confédération est inutile… alors les bureaux de scrutin peuvent bien être transformés en porcheries et les listes électorales, en papier d’allumage », clamait le Times d’Hamilton, en Ontario. Le protagoniste fictif des Barney Rooney Letters, un pamphlet anticonfédération de Halifax, observait avec ironie que le « peuple est si majoritairement d’accord avec cette entente, qu’il serait fâcheux, voire imprudent, de lui imposer la corvée de s’exprimer sur la question. »
George Brown, de l’Ontario, dit à peu près la même chose, mais avec le plus grand sérieux. En fait, il ne faisait jamais d’humour avec la politique. Selon son Toronto Globe, la notion même de soumettre cette proposition constitutionnelle aux électeurs était une « horrible hérésie à l’américaine ».
L’idée de consulter le peuple n’était ni une blague ni une hérésie pour Timothy Anglin de Saint John. « Il s’agit clairement d’une conspiration pour priver le peuple de son droit de déterminer si cette entente doit être ou non conclue », s’exclame-t-il. Finalement, le Nouveau-Brunswick tiendra deux élections sur la Confédération, mais l’opposition publique obligera l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve à faire marche arrière relativement à l’entente de 1864. Les Rouges du Québec, opposés à l’entente, voulaient déclencher une élection sur la Confédération, mais ils étaient minoritaires au Parlement et le demeurèrent après la première élection post-Confédération.
Ces dix objections à la Confédération des années 1860 révèlent qu’elle n’a pas été mise en place sans débats, sans opposition et dans l’indifférence générale. En effet, les lecteurs auront sans doute reconnu quelques arguments encore au goût du jour. Cependant, certains enjeux constitutionnels sont appelés à disparaître, en fait foi l’objection no 11, argument funeste soulevé par Terre-Neuve en 1866, évoquant un danger dont on a peu parlé dans les années 1990 :
11. « VOS FILS SERONT TOUS CONSCRITS DANS L’ARMÉE CANADIENNE ET IRONT MOURIR DANS LES DÉSERTS DE L’OUEST! »
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