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L'immigration chinoise à Montréal
Il reste difficile de déterminer à quel moment l’immigration chinoise a réellement débuté à Montréal. Le recensement du Bas-Canada de 1825 retrace un seul individu d’origine chinoise dans la métropole. Plus de 50 ans après, une première buanderie chinoise fait son apparition dans l’annuaire Lovell de 1877-1878 : il s’agit de la Song Long Laundry, dans la rue Craig (actuelle rue Saint-Antoine). Quoi qu’il en soit, il est certain que les années 1880 annoncent une vague d’immigration chinoise importante, qui marquera le paysage ethnoculturel de la ville.
À la fin du XIXe siècle, la dynastie Qing (1644-1911) est en situation de crise : les échecs militaires se multiplient, une guerre civile a fait des dizaines de millions de morts, les conditions de vie déclinent, l’Empire croule sous les dettes. Plusieurs choisissent de fuir, souvent au péril de leur vie. L’émigration est non seulement illégale, mais contrevient aux principes du confucianisme, qui relient l’individu à la famille, la famille à la localité et la localité à l’État.
Les premiers immigrants sont majoritairement originaires des provinces du Sud, durement touchées par la crise. Ils s’installent au milieu du XIXe siècle sur la côte Ouest américaine. La découverte de mines d’or dans le nord du Canada attire les travailleurs chinois, qui partent d’aussi loin que San Francisco pour parvenir jusqu’en Colombie-Britannique. Également, nombreux sont les Chinois qui y sont recrutés pour travailler à la construction du chemin de fer Canadien Pacifique, achevé au milieu des années 1880. Ils y sont très mal accueillis : des pétitions circulent pour qu’on interdise complètement l’immigration chinoise. Si bien qu’en 1885, l’affaire retentit jusqu’au gouvernement fédéral et une commission d’enquête sur la question est lancée.
Choisir Montréal
Un recensement de 1891 montre que 28 Chinois, tous des hommes, habitent Montréal. Dans l’annuaire Lovell, cette année-là, 15 buanderies chinoises sont identifiées. Ce bref portrait met en lumière les réalités de la première vague d’immigration chinoise. Ces hommes espèrent trouver à Montréal les opportunités qu’on leur refuse à Vancouver ou à Victoria, et ainsi amasser des fonds pour faire venir leur famille au Canada. Ils sont pour la plupart peu éduqués, mais prêts à travailler de longues heures. Ouvrir une blanchisserie où l’on travaille à la main requiert alors peu de matériel et représente une des seules voies professionnelles pour ces premiers immigrants.
L’accueil qu’on leur réserve à Montréal n’est toutefois guère plus reluisant qu’ailleurs. Ils sont aussi ridiculisés et pointés du doigt dans les journaux. On les accuse, entre autres choses, de voler une part du marché des buanderies traditionnelles et d’être incapables de s’intégrer dans la société. Par ailleurs, le prix des licences d’exploitation pour les buanderies à la main est anormalement élevé pour l’époque, une mesure qui avait certainement pour objectif de décourager l’installation des Chinois dans la ville.
Des lois discriminatoires
Entre 1880 et 1923, le Canada établit une série de lois qui resserrent l’entrée des Chinois dans le pays. Une taxe d’entrée de 50 $ est instaurée en 1885. Cette taxe est subséquemment haussée à 100 $ en 1900, avant de passer à 500 $ en 1903. Ces mesures ralentissent, mais ne freinent pas complètement le mouvement vers Montréal. La population chinoise de la ville passe de 888 personnes en 1901 à 1335 personnes en 1911. Par ailleurs, cette expansion démographique s’allie à un renouveau commercial. Le marché de la buanderie commence à être saturé et plusieurs entrepreneurs chinois cherchent des solutions de rechange. La première « salle à manger » cantonaise ouvre ses portes en 1900, sur la rue De La Gauchetière. D’autres ouvrent aussi des commerces d’objets chinois exotiques dans les environs. Les Chinois se regroupent autour des rues Saint-Urbain, Saint-Laurent et De La Gauchetière, un secteur choisi pour sa vitalité commerciale, ses loyers abordables et son aspect cosmopolite. Le Chinatown de Montréal est en formation : il est mentionné pour la première fois dans un article de La Presse en 1902.
L’expansion de la communauté chinoise se heurte à un mur dans les années 1920. Le gouvernement fédéral impose la Loi de l’immigration chinoise en 1923, qui empêche tout individu d’origine chinoise de s’établir dans le pays. Entre 1923 et 1947, seuls 12 Chinois sont admis au Canada. Pendant cette période, de nombreuses familles sont contraintes de demeurer séparées. L’exclusion des Chinois empêche également l’arrivée de femmes et le renouvellement de la population chinoise à Montréal. En 1931, seules 181 femmes d’origine chinoise habitent la métropole, contre 2 549 hommes. Ces derniers vieillissent souvent seuls et avec peu de ressources. La population chinoise passe de 2 730 en 1931 à 1 819 en 1951.
Depuis 1947
En 1947, la loi d’exclusion est abrogée, mais l’immigration chinoise demeure contrôlée par le gouvernement fédéral jusqu’en 1967. Une nouvelle vague d’immigration vient alors stabiliser le rapport hommes-femmes à Montréal, tout en apportant une nouvelle diversité à la communauté chinoise. Ces nouveaux immigrants proviennent de plusieurs régions et milieux différents : ils arrivent de Beijing, Taiwan, Hong Kong, et plusieurs sont entrepreneurs, hommes et femmes d’affaires.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, la population chinoise de Montréal se disperse aussi dans de nouveaux quartiers. Le Quartier chinois subit quant à lui plusieurs transformations symboliques : de nombreux projets de revitalisation sont mis sur pied, dont la piétonnisation de la rue De La Gauchetière et l’installation de grandes arches chinoises. Depuis les années 1990, l’immigration chinoise s’accélère. Entre 2001 et 2016, le nombre d’immigrants nés en Chine passe de 17 175 à 30 710 dans l’agglomération de Montréal, une augmentation de près de 79 %25 en quinze ans. Il s’agit, en 2016, du sixième pays de naissance de la population immigrante de la métropole, après Haïti, l’Algérie, l’Italie, la France et le Maroc.
Une communauté diversifiée
La communauté chinoise de Montréal, à l’image de la Chine elle-même, représente une multitude d’identités et d’appartenances. En Chine, 298 langues sont officiellement identifiées, en plus des milliers de dialectes qui sont associés à différents groupes ethniques. Sur le plan religieux, le confucianisme, le bouddhisme, le taoïsme, le christianisme et l’islam s’allient à plusieurs expressions spirituelles locales. Cette véritable mosaïque s’exprime également dans le contexte montréalais.
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Cet article fait partie d’une série d’histoires portant sur l’immigration. Elles furent recueillies, rassemblées et publiées par le MEM — Centre des mémoires montréalaises.