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Du Vrai Cran
Peu de dynasties dans la LNH n’ont été plus craintes et admirées que celle de l’équipe bourrée de vedettes des Oilers d’Edmonton au milieu des années 1980. Tout y était : du talent immense grâce en premier lieu à l’incomparable Wayne Gretzky (dans les statistiques, le plus prolifique attaquant dans l’histoire du hockey), de superbes joueurs secondaires et un brillant motivateur, Glen (Slats) Sather, derrière le banc. Ce groupe a remporté quatre titres de champions de la Coupe Stanley au cours de cinq saisons à couper le souffle.
Rien d’étonnant alors que la partie la plus excitante et mémorable que les Oilers joueraient devait assurément être une de leurs victoires décisives pour la coupe ou le théâtre d’une des prestations, parmi tant d’autres, de Gretzky, fracassant un record.
C’était peut‐être vrai pour les gens, mais pas pour moi, bien que j’ai assisté à quelques‐uns des moments les plus formidables de l’histoire des Oilers. Pour moi, la partie la plus mémorable de ce groupe n’est pas de celles où une coupe a été gagnée, des records ont été battus ou des prestations ont été exceptionnelles. Tout le contraire. C’est la partie où s’est produite la plus grosse bourde de l’histoire des sports dont le responsable a su par la suite effacer la marque et se relever.
On ne compte plus les bévues, les gaffes et les bons vieux jeux stupides qui surviennent dans les sports année après année. Le côté sombre des sports est que malgré l’énorme talent des athlètes professionnels, l’un d’eux, un jour ou l’autre, va merder, et pas à peu près — souvent à un moment crucial. C’est exactement ce qu’a fait le défenseur recrue des Oilers, Steve Smith, le soir du 30 avril 1986, quand — oh non! — il a marqué dans son propre but. Le jour de son anniversaire, en plus!
La bourde de Smith a été amplifiée par le fait qu’elle est survenue contre les grands rivaux des Oilers, les Flames de Calgary. Et dans la septième partie des éliminatoires de la division Smythe, au Northlands Coliseum d’Edmonton, devant une foule bruyante de supporters des Oilers. Y a pas de meilleur moment ni endroit ! Le film de l’erreur colossale reste bien précis dans la mémoire. Je suis assis directement derrière le filet des Oilers, dans les hauteurs du Northlands. Voilà Smith qui arrête la rondelle derrière le filet. Il cherche un attaquant devant à qui faire une passe. Il s’exécute ... malheur! ..la rondelle heurte l’arrière de la jambe gauche du gardien Grant Fuhr et bondit dans le filet. Cette brève perte de concentration coûtera très cher au Oilers. Le but survient au début de la troisième période d’une partie chaudement disputée alors que le score est égal. Ce sera le but gagnant pour la partie, et pour la série. Les Oilers sont incapables de revenir dans le match malgré leur offensive fulgurante. Là s’arrête le parcours des Oilers vers une troisième coupe. Ils rebondiront pourtant par la suite et remporteront les deux championnats de la coupe suivants.
Après avoir réalisé ce qu’il vient de faire, Smith s’écroule comme si on lui avait tiré dessus. Ébranlé, il s’enfouit le visage dans les gants; la foule murmurante partage sa douleur et son humiliation. À la fin de la partie, Smith affiche un visage rongé par la tristesse durant les poignées de mains avec les adversaires. Il retraite rapidement vers le vestiaire où, comme la meute des journalistes s’y attend, il disparaît afin de ne pas affronter plumes et microphones.
Mais ce qui survient par la suite est remarquable. Alors que beaucoup de ses coéquipiers se sont retirés dans les douches ou leurs quartiers privés dans le vestiaire, Smith s'assoit devant son casier, prêt à faire face à la musique. Les yeux pleins de larmes, il répond à chacune de nos questions.
Il faut du courage pour faire ça. Il a assumé l’erreur bien qu’une partie du blâme revenait à Fuhr, le gardien. Bon nombre d’erreurs de ce type peuvent détruire un athlète. Celle de Smith a été si énorme qu’elle lui a collé à la peau comme un anatife le reste de sa carrière. La vidéo du but est toujours accessible après toutes ces années sur YouTube.
Le fait que la carrière de Smith n’a pas complètement été ruinée témoigne de la force de caractère de l’homme. Il a connu une superbe carrière dans la LNH.
Smith n’a pas oublié cette gaffe aujourd’hui. « Si j’imaginais un instant que les gens cesseraient de se souvenir », dit‐il à un journaliste du Edmonton Sun, il y a quelques années, « Ce serait bien fou de ma part ».
Ce fut une partie exceptionnelle, marquée par une erreur unique faite par un homme qui l’a assumée, mais qui a refusé de la laisser le détruire.
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