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Curieuse cartographie
Parfois, c’est ce qu’on ne voit pas sur une carte qui est le plus révélateur. Vers la fin du 17e et le début du 18e siècle, on ne voyait nulle part sur les cartes de la Nouvelle-Écosse la communauté de Pugwash, qui est aujourd’hui un petit village de pêche rustique comptant environ 700 habitants, sur la côte nord de la province.
Est-il possible que les cartographes aient jugé la colonie trop insignifiante pour la représenter sur les cartes? Ce n’est peut-être qu’un oubli… mais pourrait-il s’agir d’autre chose?
Un historien local pense être tombé sur un secret vieux de plusieurs siècles qui, s’il s’avère, pourrait justifier la réécriture de l’histoire des colonies françaises du Canada Atlantique. Dans un nouvel ouvrage, Stephen Leahey laisse entendre que Pugwash a déjà été un grand port français et un lien essentiel de la chaîne d’approvisionnement de la forteresse de Louisbourg sur l’île Royale (Cap-Breton aujourd’hui). Il prétend également que l’omission de Pugwash était un acte délibéré, visant à mettre le port à l’abri des regards indiscrets – et des canons – de l’armée britannique ennemie dans la région.
« Lorsque j’ai commencé à étudier les cartes… je ne trouvais Pugwash nulle part, mentionne Leahey. Cela ne faisait aucun sens. Il reste des traces d’une grande production de céréales et d’élevage de bovins [dans l’isthme de Chignectou, entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick], marchandises qui étaient ensuite expédiées à Louisbourg. Mais aucun autre port sur la côte nord ne se prête à cette activité. Comme on sait que Pugwash bénéficie d’un port en eau profonde, il semble peu improbable que les Français aient omis le seul port en eau profonde dont ils avaient le contrôle dans l’isthme. »
La côte nord de la Nouvelle-Écosse n’est souvent qu’une note de bas de page dans la grande histoire de la lutte franco anglaise pour le contrôle de la région aux 17e et 18e siècles. À l’époque, la région était contrôlée par les Français, à partir de Québec. Peu peuplée, on y recensait quelques communautés acadiennes et micmaques. Pendant ce temps, les Britanniques étaient postés autour de la baie de Fundy, où ils avaient fait d’Annapolis Royal leur capitale. La construction d’une forteresse française à Louisbourg, au début des années 1700, a contribué à exacerber les tensions dans la région entre ces deux puissances mondiales.
Dans son ouvrage, Chignecto & Remsheg Prior to 1755, Leahey prétend que la côte nord n’était pas une zone isolée, mais accueillait en fait un port français vital et dynamique parfois évoqué dans les documents de l’époque sous le nom de « Remsheg ». Par ce port, les Français expédiaient de grandes quantités de céréales et de bétail pour nourrir la garnison de Louisbourg. Le port en eau profonde était également un refuge sûr pour les navires de guerre français.
Comme les Britanniques avaient l’habitude d’attaquer des ports français dans la région actuelle du Canada Atlantique, Leahey prétend que les Français avaient de bonnes raisons d’omettre Remsheg (aujourd’hui Pugwash) de leurs cartes.
« Les Français ont protégé le secret de ce port, car ils s’en servaient comme point de rassemblement pour les Micmacs, les Français et leurs forces navales dans leurs combats contre les Britanniques », écrit Leahey.
Ailleurs dans son livre, Leahey met en lumière d’autres preuves historiques et archéologiques qui inciteront les historiens du Canada à réévaluer la présence des Français, et l’importance de la côte nord, dans la grande histoire des colonies françaises en Nouvelle-Écosse.
Leahey, qui a travaillé dans le monde des affaires et le secteur public dans le centre et l’ouest du Canada avant de prendre sa retraite en Nouvelle Écosse, remettra les recettes de son livre à la Cumberland Museum Society.
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