L’histoire du Canada comme vous ne l’avez jamais vue!
Femmes d'exception
Tout le monde sait que les femmes ont souvent été les grandes oubliées de l’histoire traditionnelle, surtout dans les domaines des sciences et des soins de santé. Elles ont pourtant fait preuve d’un sens aigu de l’innovation dans ces domaines.
La Commission des lieux et monuments historiques rend hommage à de nombreuses femmes qui ont grandement contribué à l’avancement de la science et de la médecine au Canada.
Nous ne pouvons en dresser la liste complète, mais voici quelques unes de ces femmes d’exception.
Les Sœurs de Miséricorde
Les Sœurs de Miséricorde sont un ordre religieux catholique institué à Dublin, en Irlande, en 1831, pour prendre en charge un nombre croissant d’enfants nés hors mariage durant la révolution industrielle et l’urbanisation qui en a découlé.
En 1848, à la demande de l’évêque de Montréal, Ignace Bourget, la veuve Marie Rosalie Cadron (née Jetté) fonde l’Institut des Sœurs de Miséricorde au Bas Canada. Deux ans auparavant, madame Cadron avait fondé une congrégation investie d’une mission similaire.
Jusqu’en 1865, les sœurs de la congrégation sont les seules à être autorisées à exercer la profession de sage femme au Canada. Elles jouent également un rôle dans la mise en place de services d’obstétrique et de pédiatrie, surtout dans les collectivités francophones.
Les sœurs s’imposent une discipline de fer dans l’exercice de leurs fonctions et les mères célibataires confiées à leurs soins sont soumises à un régime sévère de contrition et de pénitence pour avoir brisé l’un des grands tabous sociaux et religieux de l’époque.
En commençant par l’Hôpital général de la Miséricorde, à Montréal, les sœurs mettent en place un réseau d’hôpitaux, d’écoles d’infirmières et d’orphelinats. En 1900, elles possèdent des établissements en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan et dans l’État du Wisconsin.
À Montréal, 200 sœurs s’occupent des mères et de leurs enfants dans deux hôpitaux. Encore aujourd’hui, les sœurs de cette congrégation gèrent des établissements de soins modernes pour les mères et leurs enfants au Canada, en Afrique et en Amérique latine.
Les Sœurs de la Charité de Montréal (Sœurs Grises)
En 1737, une jeune veuve, Marguerite d’Youville, choisit de consacrer sa vie aux œuvres de bienfaisance et, avec d’autres femmes, fonde une organisation laïque à Montréal pour secourir les pauvres, les malades et les orphelins.
Cet ordre est connu sous le nom de Sœurs de la Charité. En 1747, madame d’Youville est invitée à assurer la direction de l’Hôpital général de Montréal, fondé par le marchand François Charon et qui, après le décès de ce dernier, a été mal géré par ses frères.
L’hôpital étant au bord de la faillite, madame d’Youville et ses compagnes décident de l’ouvrir aux femmes et aux hommes ainsi qu’aux pauvres et aux personnes handicapées physiquement et mentalement.
Ces changements attisent la colère de certains membres de la collectivité qui se mettent à se moquer des Sœurs de la Charité en les appelant « sœurs grises » ( « gris » dans le sens familier qui indique quelqu’un en état d’ébriété, une allusion à peine voilée au mari décédé de madame d’Youville qui était négociant en spiritueux).
Les sœurs tiennent bon et, en 1755, l’ordre est officiellement reconnu à titre de communauté religieuse par l’Église catholique romaine. Madame d’Youville et ses compagnes adoptent un habit gris et conservent fièrement leur surnom de « Sœurs Grises ».
Après le décès de Marguerite d’Youville, en 1770, les Sœurs Grises commencent à exercer leurs activités hors du Québec, fondant des hôpitaux et des écoles ailleurs au Canada, ainsi qu’aux États Unis, en Amérique latine et en Afrique.
C’est la première communauté religieuse à se consacrer à une diversité de missions sociales, qu’il s’agisse d’hôpitaux, d’écoles, d’orphelinats, de travail humanitaire ou du soin des pauvres, des infirmes et des aînés.
Marguerite d’Youville est également la première femme du Canada à avoir fondé une communauté religieuse et la première personne née au Canada à être canonisée.
Jeanne Mance
Née à Langres, en France, en 1606, Jeanne Mance est une fervente catholique qui se consacre à des œuvres de bienfaisance.
En 1641, elle adhère à la Société Notre Dame de Montréal, une association dont la mission est de fonder une colonie catholique au Canada.
Avec le soutien financier d’une riche veuve, madame de Bullion, elle s’embarque pour la Nouvelle France en 1642, en compagnie de l’officier militaire Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, et d’environ 150 colons.
Ils fondent Ville Marie sur l’île de Montréal durant une période d’intense conflit avec la confédération des Six Nations qui s’oppose à la colonisation de son territoire par les Français.
À Montréal, Jeanne Mance soigne les malades et les blessés et devient la première infirmière laïque du Canada. Elle fonde l’Hôtel Dieu, le premier hôpital de Montréal.
Les contributions de Jeanne Mance à Montréal sont loin de se limiter aux soins de santé. En 1650, elle convainc Maisonneuve de retourner en France pour y recruter de nouveaux colons et, en 1653, celui ci parvient à en ramener 177.
Cette action sauve véritablement la colonie en déclin (il ne restait plus que 50 personnes sur les 150 arrivées initialement).
En 1658, Jeanne Mance retourne elle même en France et y recrute des religieuses hospitalières de Saint-Joseph, un ordre religieux qui se consacre au soin des malades, pour travailler à son hôpital.
Toujours directrice de l’Hôtel Dieu, elle s’éteint à Montréal en 1673. En 2012, Jeanne Mance est officiellement reconnue par le conseil municipal de Montréal à titre de cofondatrice de la ville, avec Maisonneuve.
Irma LeVasseur
Née en 1877 à Québec dans une famille d’artistes, Irma LeVasseur voit ses deux frères mourir en bas âge, la mortalité infantile étant fréquente à une époque où un enfant sur quatre ne survivait pas à sa première année.
Ces tragédies l’incitent à embrasser la profession médicale, mais à l’époque, les universités canadiennes refusaient d’admettre des femmes dans les Facultés de médecine.
Sans se laisser décourager, LeVasseur déménage au Minnesota où elle complète sa formation médicale en six ans, se spécialisant en pédiatrie.
En 1900, Irma LeVasseur revient s’établir à Québec, mais on refuse de lui octroyer son permis de pratique médicale.
Il lui faudra attendre encore trois ans — et l’adoption d’un projet de loi d’initiative parlementaire à l’assemblée législative provinciale — avant d’être enfin agréée par le Collège des médecins et chirurgiens du Québec.
Durant cette attente, elle pratique la médecine aux États-Unis et, après avoir obtenu sa certification au Québec, elle se rend en Europe pour y poursuivre ses études. À son retour en 1908, elle participe à la fondation de l’Hôpital Sainte-Justine pour enfants à Montréal.
Au début de la Première Guerre mondiale, Irma LeVasseur traverse l’océan pour aller soigner les troupes alliées et, en 1915, elle séjourne en Serbie où elle traite des milliers de soldats.
En 1922, elle fonde l’Hôpital de l’Enfant-Jésus à Québec. En 1927, elle met sur pied une clinique pour enfants et, plus tard, une école d’infirmières.
Malheureusement, ses réalisations tombent dans l’oubli et c’est dans l’anonymat qu’elle s’éteint en 1964.
Aujourd’hui, Irma LeVasseur est enfin reconnue comme une championne de la promotion des femmes en médecine ainsi que de la santé et du bien être des enfants.
Margaret Newton
La phytopathologiste Margaret Newton est aujourd’hui reconnue pour sa recherche sur la rouille noire du blé, un champignon qui dévastait les récoltes de blé au début du 20e siècle.
Née à Montréal en 1887, Newton étudie à l’Université McGill où, en 1917, elle est la première scientifique à collaborer à l’étude sur la rouille noire du blé au Canada. À l’époque, on savait très peu de choses sur ce champignon qui avait atteint des proportions épidémiques.
Grâce à la recherche de Newton, de nouveaux cultivars de blé résistant à la rouille sont créés, ce qui permet aux agriculteurs canadiens d’éviter des pertes de milliers dollars en récoltes perdues.
En 1922, Margaret Newton devient la première Canadienne à obtenir un doctorat en agriculture. Elle est également l’une des premières Canadiennes à faire carrière en recherche scientifique, à une époque où les femmes luttent pour être acceptées en sciences et revendiquent l’égalité.
En 1945, lorsqu’elle prend sa retraite comme phytopathologiste principale au Dominion Rust Research Laboratory de Winnipeg, ses travaux novateurs attirent l’attention de scientifiques de nombreux pays producteurs de blé.
Son départ précoce à la retraite est en partie attribuable à des problèmes respiratoires qui ont vraisemblablement été causés par son exposition prolongée aux spores de la rouille. Margaret Newton décède en 1971.
Carrie Matilda Derick
Née en 1862 à Clarenceville, au Québec, Carrie Matilda Derick emprunte un chemin inhabituel pour une femme de son époque, en entreprenant des études en biologie après avoir obtenu son brevet pour enseigner à l’École normale de Montréal.
Elle étudie à l’Université McGill, à Harvard, au Royal College of Science de Londres, en Angleterre, et à l’Université de Bonn, en Allemagne.
En 1891, elle devient la première femme à obtenir un poste de professeur à l’Université McGill, à titre de démonstratrice. Elle est chargée de cours en morphologie comparative et génétique, avant de devenir professeure adjointe.
C’est à ce titre que Derick crée le cours Évolution et génétique qui fait d’elle une pionnière; à l’époque, la théorie de l’évolution suscite encore la controverse et la génétique est un domaine de recherche entièrement nouveau.
Derick publie de nombreux articles évalués par les pairs dans le domaine de la botanique et gagne le respect de scientifiques du monde entier.
Elle obtient également une mention dans un numéro de la revue American Men of Science, publié en 1910. Elle est nommée professeure émérite en 1929, juste avant son départ de McGill pour des raisons de santé.
En plus de son exigeante carrière de scientifique et de professeure, Derick s’engage dans une diversité de revendications sociales.
Elle milite pour le droit de vote des femmes et se joint à diverses organisations, notamment le Conseil local des femmes de Montréal, l’American Association for the Advancement of Science, le Council of Education, la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, la Montreal Folklore Society et bien d’autres. Derick s’éteint en 1941.
Maude Elizabeth Seymour Abbott
Maude Elizabeth Seymour Abbott connaît un départ difficile dans la vie : son père abandonne sa famille pour aller aux États Unis juste après sa naissance, en 1868, et sa mère succombe à la tuberculose l’année suivante.
Maude et sa sœur France sont élevées par leur grand mère maternelle.
Bonne élève, Abbott réussit à obtenir, en 1885, une bourse d’études de l’Université McGill. Après l’obtention d’un baccalauréat ès arts, en 1890, elle souhaite s’inscrire à l’école de médecine de McGill, mais à l’époque, l’établissement n’accepte pas les femmes.
Abbott se tourne donc vers l’Université Bishop, à Sherbrooke, au Québec, et obtient son diplôme de médecine en 1894.
Après trois années d’études postdoctorales en Europe, Abbott revient à Montréal où elle ouvre une clinique pour femmes et enfants. C’est à cette époque qu’elle commence à étudier les pathologies cardiaques, en particulier chez les nourrissons.
En 1898, elle est nommée conservatrice du musée de pathologie de McGill et, au début des années 1900, elle est la première femme à publier des articles dans le Journal of Pathology and Bacteriology de Grande-Bretagne.
À l’époque, Abbott est une spécialiste mondiale des pathologies cardiaques chez les enfants. En 1910, McGill lui décerne un doctorat honorifique en médecine et lui offre un poste de maître de conférence, tout en continuant à refuser les femmes à son école de médecine.
Tout au long de son parcours professionnel diversifié, Abbott publie plus de 140 articles sur divers sujets, allant des anomalies cardiaques à l’histoire de la médecine, en passant par son imposante monographie Atlas of Congenital Cardiac Disease, parue en 1936.
En 1940, elle est victime d’un accident vasculaire cérébral. Quelques mois après son décès, Paul Dudley White, un éminent cardiologue américain, qualifiera Abbott de sommité mondiale en matière de cardiopathies congénitales.
Thèmes associés à cet article
Publicité