Transcription textuelle de la vidéo La montagne

On pense toujours au mont Royal comme un seul sommet, mais en réalité le mont Royal c’est d’abord une colline qui fait partie des Montérégiennes et qui est constituée de trois sommets.

Le mont Royal proprement dit, qui est le sommet le plus élevé, autour de 230 mètres, puis on a les sommets de Westmount et d’Outremont… Et l’on parle d’une montagne, mais en réalité, comme on le voit, il s’agit surtout de collines qui sont nées de la dernière glaciation.

Le mont Royal, dans le fond, c’est un lieu très élevé par rapport à Montréal qui a une topographie assez plate et c’est un lieu duquel on peut voir très loin comme on le voit derrière moi; notamment le fleuve Saint-Laurent, mais aussi tous les alentours, donc ça va être un lieu très fréquenté et très convoité durant toute son histoire.

Il y a plusieurs périodes avant la création du parc en réalité parce que le mont Royal est un lieu qui est très fréquenté déjà par les Autochtones. Ils sont les premiers occupants du mont Royal, pas nécessairement de manière sédentaire, mais les Autochtones passaient par la montagne — les Autochtones de la région — pour toutes sortes de raisons.

D’abord, le mont Royal est riche en ressources naturelles. On venait extraire la pierre pour en faire des outils, des armes de chasse. Les terres fertiles permettaient la culture des trois sœurs de l’alimentation autochtone qu’on connait. Et les Autochtones ont aussi fait de la montagne des lieux de sépultures.

Les recherches archéologiques ont d’ailleurs permis de retrouver certaines de ces sépultures et la montagne représente donc un lieu sacré pour les Autochtones. Le premier village qui est à l’origine de Montréal, Hochelaga, va s’établir sur le versant sud de la montagne et les Iroquoiens du Saint-Laurent vont donc développer un village durant plusieurs centaines d’années, jusqu’à ce qu’ils se dispersent.

Alors, au moment où les Européens arrivent, donc au moment où Jacques Cartier, dans le fond, lors de son deuxième voyage dans la Nouvelle-France débarque à Montréal, il rencontre ces Iroquoiens d’Hochelaga et c’est là que le premier contact, si l’on veut, que l’on connait de manière plus officielle a lieu.

Alors donc, Jacques Cartier va se faire guider dans cette montagne par les Iroquoiens qui vont l’emmener au sommet. Il va découvrir cette vue extraordinaire que l’on a d’ici, où l’on se trouve. Et c’est ainsi qu’il va décider, dans le fond, de baptiser le mont Royal, de mont royal, en hommage à son roi qui l’a dépêché pour venir exploiter les terres de la Nouvelle-France.

À partir du moment où l’on commence, dans le fond, à développer Montréal — Montréal est fondé en 1642 — on peut dire qu’il y a plusieurs cycles d’installation, de développement, d’exploitation du mont Royal. Il y a un événement qu’il faut mentionner, qui est assez symbolique et important, c’est Maisonneuve — le fondateur de Montréal — qui, pour remercier Dieu d’avoir épargné Montréal des inondations qui étaient très fréquentes à cette époque-là, va venir planter sa croix en 1643.

Donc, ça, c’est une pierre qui marque vraiment l’histoire de Montréal. Et plus l’urbanisation se développe, plus la ville devient dense et active, et plus on convoite le mont Royal comme un lieu de retrait par rapport à une ville trépidante et c’est ce qui donne lieu aux premières grandes villas des élites montréalaises. Là, c’est bien beau, tout le monde convoite le mont Royal.

On s’installe, mais il y en a qui veulent le protéger parce qu’on sent bien que l’urbanisation va faire en sorte, qu’à un moment donné, il n’y en aura plus…

Et au début des années 1870, et bien là, on commence à exproprier ces grands propriétaires. On rachète certains des terrains à forts coûts et la ville devient officiellement propriétaire du mont Royal. Puis en 1874, elle engage le déjà célèbre architecte-paysagiste, Frederick Law Olmsted, qui a dessiné, aménagé, le Central Park, à New York.

Et lui va proposer un plan d’aménagement pour justement protéger les aspects naturels, les mettre en valeur minimalement, et faire de la montagne une oasis de paix et de communion avec la nature et même avec Dieu.

Alors à la fois on veut accéder à la montagne, mais on veut aussi la protéger. Jusqu’aux années 1880, pour venir vraiment profiter de la montagne et du parc, il faut être équipé de chevaux — de calèches — on ne peut pas s’y rendre à pied, c’est très loin.

Donc, il va y avoir tout un débat pour construire un équipement qui permette d’aller sur la montagne, mais aussi, surtout au sommet — là où on se trouve présentement — et en 1885, on va aménager le fameux funiculaire qu’on voit bien souvent sur les photos qui rappelles le passé du mont Royal. — funiculaire qui va fonctionner jusqu’à la fin des années 1910–1918 — qu’on doit fermer parce qu’il devient vétuste.

Et là, ça engendre tout un nouveau débat pour favoriser l’accès au mont Royal que l’on trouve être trop exclusif, trop accessible seulement aux élites et dans les années 1920, c’est là qu’on construit/aménage les tramways, un à l’ouest et un à l’est, qui se rencontrent au sommet, et qui vont favoriser une plus grande fréquentation du mont Royal par les classes sociales, les moins fortunées si l’on veut…

Mais tout cela, bien sûr, soulève énormément de débats parce qu’aménager des tramways ce n’est pas rien et ça implique d’une certaine façon de venir pénétrer dans ce lieu sacré, ce lieu de nature, que l’on cherche à protéger en même temps.

Un peu avant le milieu du XIXe siècle, c’est l’Université McGill — fondée en 1821 — qui va ouvrir le bal et qui va construire ses premiers bâtiments au début des années 1840, sur le flanc sud de la montagne.

Elle ne sera pas en reste, parce que la ville — comme j’ai dit — s’urbanisant, se densifiant, il y a des institutions qui doivent sortir de Montréal parce qu’elles sont à l’étroit et notamment c’est le cas de l’hôtel-Dieu de Montréal, des hospitalières de Saint-Joseph, qui vont s’installer à la base de la montagne, du côté est, et donc établir l’hôtel Dieu dans les années 1850.

De fil en aiguille, on peut dire que plein d’autres institutions vont suivre le mouvement. On pense à l’Hôpital Victoria à la fin du XIXe siècle, l’Hôpital général de Montréal, puis l’Hôpital Sainte-Justine plus tard au XXe siècle.

À la fois aux institutions d’enseignement, par exemple, on peut penser aux Sulpiciens qui établissent leur grand séminaire, puis le collège de Montréal, qu’on connait dans les années 1860.

Donc à la fois institutions d’enseignement puis aussi institutions de santé et on peut ajouter à cela les cimetières, les cimetières ont un rôle fondamental à jouer parce qu’ils vont procéder à l’aménagement des lieux — surtout les cimetières protestants — et faire des cimetières des sortes de parcs.

On peut dire qu’il y a déjà une tradition de fréquenter le mont Royal à des fins de parcs avant même la création du mont Royal. Et la dernière institution que je ne pourrais oublier, qui va, dans le fond, elle aussi migrer vers la montagne, et bien c’est l’Université de Montréal.

L’Université de Montréal, qui est située sur la rue Saint-Denis, veut se développer pour faire face à la demande. Elle va s’installer elle aussi sur un sommet du mont Royal à partir de la fin des années 1920.

Ce qu’on voit à travers tout cela et qui est très intéressant, avec toutes les institutions dont je vous ai parlé, c’est qu’on voit des dynamiques culturelles, identitaires se dessiner. Les francophones, qui deviennent majoritaires dans la population montréalaise, veulent s’inscrire dans la montagne, veulent vraiment la marquer de leur existence et leur identité.

En 1924, la Société Saint-Jean-Baptiste, qui représente les Canadiens français, va décider, va obtenir l’autorisation d’implanter la fameuse croix du mont Royal que l’on voit s’illuminer tous les soirs depuis lors. Et cette croix, elle va être implantée en mémoire, pour commémorer justement la croix de Maisonneuve de 1643, qui a épargné la ville des inondations.

Donc, on prend un peu ce prétexte de commémoration pour implanter une croix qui va symboliser depuis lors la présence francophone et catholique à Montréal ce qui est vraiment une marque très importante pour cette communauté.

Au XXe siècle, on va décider d’aménager des infrastructures, des lieux d’accueil, pour les populations et qui ne sont pas nécessairement en accord et en harmonie avec la conception qu’en avait Olmsted, mais qui vont favoriser une plus grande popularisation.

La crise des années 1930, c’est un de ces moments-là, un de ces moments où l’on fait travailler les chômeurs et où l’on va réaménager l’observatoire où l’on se trouve maintenant et construire le fameux chalet de la montagne.

On décide de creuser un marais et l’on va engager jusqu’à 160 hommes pour creuser à la pelle ce qui va devenir, ce qu’on appelle aujourd’hui le lac aux Castors. En fait, pour creuser cet étang qui devient un lieu effectivement, là aussi, où l’on peut contempler les petits oiseaux, les canards… et qui l’hiver sert de patinoire qui devient très populaire.

Puis les années 1950, c’est une période de grande modernisation, de renouvellement de Montréal. On va décider de transformer à nouveau l’accès à la montagne, mais c’est fait dans une optique de nettoyer la ville, de la moderniser, de favoriser son accès.

Parce que le mont Royal, vous savez c’est un lieu aussi de fréquentation pour des pratiques illicites, pour des rencontres, pour la consommation d’alcool, etc. Et l’on va décider de nettoyer radicalement la montagne en abattant des arbres, en coupant les arbustes, pour faire en sorte que si on voit tout et bien on ne peut plus se cacher.

Ça va provoquer la risée de plusieurs observateurs et le mont Royal va être appelé tristement à la fin des années 1950 le mont Chauve parce qu’on l’a dépouillé de ses attraits.

Mais dans les années 1950, toujours dans la même optique de modernisation, là on va ouvrir la montagne littéralement au passage des automobiles. C’est là qu’on dessine la voie Camillien-Houde, avec le belvédère d’ailleurs Camillien-Houde.

C’est là qu’on va aussi construire le chalet du lac aux Castors pour permettre aux Montréalais de pouvoir prendre un thé, un café. Et l’hiver, de pouvoir mettre ses patins pour aller patiner. La montagne, ça demeure à la fois un lieu sacré, peut-être de manière moins religieuse…

Un refuge aussi. Un lieu extrêmement adoré, aimé des Montréalais, fréquenté par les touristes et qui continue d’être très animé dans le fond. Le dimanche, le mont Royal est fréquenté de manière extrêmement assidue aussi, du côté est, au pied de la statue de George-Étienne-Cartier, de ce monument célèbre et très imposant.

Depuis la fin des années 1970, c’est les fameux tam-tams du dimanche où spontanément des Montréalais(es) ont commencé à se réunir et à faire des improvisations avec des percussions et c’est devenu de plus en plus populaire.

Donc, dans le fond, si le mont Royal est un parc qui est réglementé comme tous les parcs, ça n’empêche pas qu’il y ait des activités spontanées qui surgissent ici et là. Ce qui fait le mont Royal finalement, ce sont justement tous ces publics qui viennent déambuler, faire de la glissade, du patin, de la randonnée, des pique-niques et des tam-tams.

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