Transcription textuelle Perpétuer le conte

Alors on est à la grève de la pointe, juste à côté des ruines de l’auberge Magloire de l’Île, qui est quand même mieux connue sous le nom de la Maison hantée de Trois-Pistoles. C’est une maison hantée de renom, elle est connue et elle figure souvent dans les tops dix, voire les tops cinq des endroits les plus hantés au Québec.

Je suis Gabrielle Ayotte Garneau. J’habite à Trois-Pistoles depuis trois ans, presque jour pour jour. Je suis quand même bien impliquée dans ma communauté.

Je suis directrice de l’organisme qui s’appelle Les Compagnons de la mise en valeur du patrimoine vivant de Trois-Pistoles, qui est un organisme qui organise depuis 24 ans maintenant le festival Le Rendez-vous des grandes gueules. C’est un festival de contes et de récits de la francophonie avec des artistes de partout dans le monde de la francophonie.

Et Trois-Pistoles est quand même reconnue un peu, entre autres à cause du festival, mais aussi pour ses légendes, ses histoires. Il y en a vraiment beaucoup dans le coin. La légende de la maison hantée en est une que tout le monde connaît aussi. Je pense que tout le monde a eu envie de venir tenter de se faire une frousse, une frayeur, en venant faire un petit tour à la maison hantée le soir.

En fait, l’auberge, elle a été construite par un dénommé Magloire de l’Île qui était un pilote avec une grande originalité puisqu’il a nommé l’auberge en son nom : Magloire de l’Île. Assez simple. Et il aurait construit et entretenu cette auberge-là avec ses frères.

Alors, parce que c’était l’auberge de relais de pilotes du Saint-Laurent, le Magloire de l’Île a choisi cet emplacement spécifiquement pour la vue. Vous allez me dire que c’est un contemplatif, le paysage est beau, mais en fait, c’est parce qu’avec le fleuve, ici, on voit les navires arriver de loin.

Donc, même si c’était loin de la route à l’époque qui était en bas de la côte, c’était un choix tout dédié pour pouvoir voir les navires arriver et ainsi préparer les pilotes à prendre le relais sur les bateaux étrangers.

Alors comment l’auberge de Magloire de l’Île a eu son vice caché qui a valu de vendre cette petite perle en pierre à bas prix à Monsieur Nazaire Leclerc ? C’est une histoire qui implique de la boisson, évidemment, comme de raison. Et on l’a dit tantôt, il y avait une concentration de marins au pied carré ici dedans, et ça buvait un brin et ça levait le bras souvent et abondamment.

Ça résultait en de bien belles, grosses batailles de gars chauds. Et une de ces batailles mémorables, la bataille en tant que telle, mais peut-être pas sa raison d’être… Mais une de ces batailles-là s’est terminée avec l’assassinat, le meurtre, d’un pilote qui s’est pris une couple de coups de couteau de travers.

Et là, on était un peu moins fiers, et nos pilotes sur la brosse se sont dit que c’était une bonne idée d’aller enterrer le cadavre dans la cave de l’auberge pour camoufler leur grosse niaiserie. Les gars se sont dégrisés tranquillement à coups de pelle pour faire un trou au malheureux pilote qui avait perdu la vie.

Et puis, le lendemain, on ne sait pas si c’est la honte qui leur a fait perdre leur langue ou s’ils avaient juste oublié ce qui s’était passé, mais la rumeur ne s’est pas dispersée partout dans la paroisse. Donc le secret a bien été tenu. Sauf que le macchabée était croyant. Puis son âme était bien attristée de ne pas avoir eu son coin de lopin de terre béni dans un cimetière proche.

Et puis, il a décidé de sortir de sa cave humide et d’aller hanter l’auberge et de réquisitionner ce à quoi il pensait avoir droit, c’est-à-dire un petit coin de cimetière, ou du moins un petit quelque chose de catholique, une sépulture, une prière, quelque chose.

Et là, nos coqs, au lieu de répondre à la demande du mort, du défunt, ont juste commencé à déserter l’auberge. Il y avait beaucoup de bruit, il y avait des lumières qui allumaient, des apparitions et tout ça, ça allait moins bien, ça faisait une mauvaise réputation.

Plusieurs années plus tard, il y a des personnes sensibles qui ont décidé qu’elles pouvaient essayer de retrouver les restes du pilote décédé, assassiné, pour les amener en terre bénie. Mais ils ont creusé ici, dans la maison et n’ont jamais rien trouvé. Donc soit les frères de l’Île ont sorti les ossements du macchabée pour les amener ailleurs, soit le chien de Nazaire Leclerc a trouvé le jackpot dans le sous-sol.

L’histoire ne le dit pas, mais il n’y a rien qui a été trouvé ici et certainement que cette âme-là n’a jamais trouvé la paix parce qu’on entend encore ses plaintes et ses réquisitions, encore de nos jours, la nuit tombée, dans la maison hantée.